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Moniteur d'escalade Calanques, Sainte Victoire et provence, pour l'abordage des falaises et autres aventures verticales ! En méditerranée et au delà …

Aventure dans le Candemana Canyon

La Candemana Canyon est un ravin très sauvage, à l’ouest de l’Etat de Chihuahua, au Mexique. Je vous relate l’aventure que nous y avons vécue, sur quatre journées intenses en pleine nature. Une petite présentation du site ainsi que les accommodations et astuces à connaitre se trouvent ici.

Mardi 1er novembre – Un transport plein d’humour Plan du canyon

C’est une fois de plus dans un aéroport qu’avec Timothée nous prenons l’avion. Pour cette fin d’année 2016, c’est au Mexique que nous allons sévir, ou nous faire rouster (vu les photos, ne négligeons pas cette seconde option). Nos sacs sont hyper chargés et il est évident qu’un remaniement sera à opérer. C’est pourquoi nous commençons par les enrober solidement de cellophane, et avec assurance. Puis nous pesons les sacs et nous dirigeons pour les enregistrer. Comme nous aurions dû nous en douter, ceux-ci sont trop gros et nous devons payer un supplément. Tim lance un « s’il vous plait » bien placé qui sensibilise immédiatement la gentille dame qui va dès lors plaider notre cause à sa chef. Cette quête réussie, elle arrivé même à nous placer côté à côte. Un départ sous le signe de la chance…

À peine montés dans l’avion, nous sympathisons avec nos voisins. Premier repas, comme toujours très attendu en avion, et un premier verre, de champagne s’il vous plaît! Nous achevons cette collation par un petit cognac. Les films s’enchainent, toutefois moins vite que les bières, dont nous vidons le stock intégral de l’avion, aidés par nos deux nouveaux amis.

Une fois arrivés à bon port (enfin bon aéroport!), nous visitâmes ce lieu charmant bien que nous en fassions vite le tour. Le second trajet est bien moins drôle, Tim s’est fait voler sa place par une dame qui, non satisfaite de son larcin, lui pompe également l’air. De mon côté, mon siège ne tient pas droit et l’hôtesse de l’air choisit ce défaut pour me rappeler à chaque turbulence à quel point je dors bien et que cela suffit. Enfin, nous débarquons à Chihuahua. L’hôtel nous accueille agréablement, bien que l’ascenseur use nos dernières réserves d’humour à faire grève (sans doute un ascenseur français).

Mardi 2 novembre – Chihuaha 

À la recherche d’informations et de monnaie locale, nous allons dans une banque proche et, surprise, on y vend principalement des motos. Nous hésitons longuement, mais nous repartons sans moto et en ayant oublié d’échanger notre argent. Nous enchaînons directement en direction de Basaseachi, et notre taxi, qui doit nous emmener à la station de bus, nous apprend que l’adresse que l’on nous a donnée est double, et que contrairement aux principes de la mécanique quantique, il ne pourra être à deux endroits en même temps. Einsenberg, illustré sur mon sac à dos, est déçu.

Le Candemana Canyon - Sauvage, isolé, et encore peu exploré... Sur la droite, la cascade de Basaseachi

Après un long trajet en bus jusqu’à las Estrellas, nous rencontrons alors Rita et Ronaldo qui nous amènent au rancho San Lorenzo. Nous discutons et établissons nos projets avec don Fernando, le propriétaire, qui répond à la naïve question de Timothée :

« En cas d’accident savez-vous ce que l’on peut faire?

-you’d better not, respond-il d’un ton chantant, it’s a very remote area, nobody can help you, but you still can try to call me, you’ll see that there is no signal into the Candemana canyon ».

Jeudi 3 novembre – El Rancho San Lorenzo 

Nous rencontrons notre guide, Rafa, et prévoyons l’aventure. Il nous déposera dimanche au sommet d’el Gigante, dominant le canyon Candemana, et ce sera à nous de trouver comment descendre, puis remonter. Cela nous laisse plusieurs jours pour nous préparer et profiter des belles couennes de la région de Basaseachi.

Vue sur le canyon...

Dimanche 6 novembre – Début de l’aventure Dans la dernière longueur - vue sur le canyon et au fond notre point de départ

Ca y est, le jour du départ est arrivé! Dès la sonnerie du réveil, je suis à fond. Je quitte vite mon lit cassé qui menace sérieusement de me jouer un mauvais tour. Nous retrouvons ensuite Rafa, et partons en voiture en direction d’El Gigante. Bien que cette direction soit initialement indiquée, la piste devient vite aventureuse, franchissant de nombreux torrents et pentes très raides, croisant moult autres sentiers. Finalement, au milieu de rien, ou plutôt d’une épaisse forêt, nous semblons arrivés. Nous rejoignons rapidement le couloir pouvant nous mener au fond du canyon, croulants déjà sous le poids de nos sacs à dos.

Dès le début, des difficultés se présentent. Il faut descendre de très raides pentes d’herbe exposées, et mon sac me déséquilibre. Je le mouline donc jusqu’à arriver sur un terrain plus favorable au portage, au fond d’un canyon sec. La progression est alors plus détendue, jusqu’à ce qu’une barre rocheuse nous bloque. Par la rive gauche, nous retrouvons pentes herbeuses et pierriers instables.

Au bout d’une bonne heure, notre guide nos indique la suite (c’est vers le bas!) et remonte à sa voiture, nous laissant seuls. Encore presque trois heures de descente pénible et exposée, et nous voilà en bas du canyon, au pied d’el Gigante et de la Piedra Volada, la plus grande cascade du pays.

Nous nous relaxons puis allons repérer une ligne que je pensais intéressante dans el Gigante. Celle-ci est malheureusement défendue par une barre rocheuse pourrie. Il va falloir trouver un autre objectif, car nous souhaitons grimper une ligne encore vierge. Il faut également un échappatoire à ce canyon, car remonter l’infernale descente est hors de question. Nous ne pouvons donc plus sortir que par le haut. Personne ne connaît nos projets, nous sommes en autonomie totale.

Nous préparons le camp en bordure de rivière, et profitons d’un feu pour découvrir que les pierres volcaniques locales explosent dans ce dernier, souvent dangereusement.

Bivouac!

Lundi 7 novembre – Second jour d’approche, ou premier de fuite vers le haut El Gigante

Après avoir préparé les sacs, nous commençons à remonter le canyon. Cela est constamment difficile, car le fond est tapissé de gros blocs polis et difficiles à grimper avec nos sacs. Ces passages sont dangereux mais en de rares moments nous pouvons les contourner par les berges.

Vers la mi-journée, nous commençons à douter. Toutes les parois croisées sont composées d’un rocher exécrable, et peu parcourues de fissures franches qui nous auraient permis de grimper et de protéger notre escalade.

C’est après avoir franchi un nouveau méandre délicat qu’enfin nous apercevons une paroi qui semble être propre! Cela étant surement dû au fait qu’elle est située très loin au-dessus du fond du canyon. L’enthousiasme, de plus en plus discret, revient à son paroxysme. Nous repartons heureux et courageux.

Cependant, le canyon devient soudainement très étroit et délicat à remonter. Il nous faut escalader de hauts blocs exposés, sortir la corde, hisser les sacs et faire de nombreux demi tours pour franchir les nombreuses cascades, aussi belles qu’il franchissables, alors que le soleil décline sérieusement.

Plusieurs heures, toute notre énergie et beaucoup de réflexion ont été nécessaires pour avancer d’une centaine de mètres… notre amitié a été mise à rude épreuve, et a su démontrer sa force.

Encore un peu de marche, et nous arrivons à une clairière accueillante, au pied de la paroi repérée. Celle-ci semble désormais bien plus loin que nous le pensions et surtout, vue de notre nouvel angle, nous ne comprenons plus sa structure. Tant pis, c’est décidé, nous irons voir demain, car nous sommes résolus à ouvrir une voie dans cet univers magique.

Candemana Canyon

Mardi 8 novembre – l’ascension de notre aiguille vierge ! Notre conquête, l'aiguille dans l'ombre! On voit l'arête finale, mais le socle n'est pas visible sur la photo

Réveil en pleine forme, et poursuite de la reconnaissance. Avec le changement de lumière, nous comprenons enfin que la paroi dominant le bivouac est finalement une aiguille décollée cachant le mur repéré la veille. Advienne que pourra, son arête sud semble praticable, bien que défendue d’un haut socle pourri et d’une hauteur inestimable.

Dès que nous avons traversé le torrent, les difficultés se présentent. Après avoir remonté une courte forêt très raide, nous butons sur le socle. Deux longueurs dangereuses en mauvais rocher recouvert de cactus impitoyables dont les épines semblaient patiemment attendre notre passage sont nécessaires pour le franchir. Ensuite, une traversée presque horizontale boisée nous permet de rejoindre la base de l’arête proprement dite.

Je démarre, heureux de grimper après ces deux grosses journées d’approche, par un dièdre facile mais au rocher délicat en surface. La principale difficulté de cette longueur est de contourner les cactus agressifs. Timothée me rejoint, et part pour la seconde longueur, démarrant par une belle mais trop courte cheminée, puis poursuit dans des gradins faciles. Je pars, sourire aux lèvres, dans la troisième longueur, composée d’une belle dalle exposée dans laquelle enfin l’ambiance décolle. La fin de celle-ci est à nouveau en rocher délité, trop fréquent dans ce quartier… Toute bonne chose ayant une fin, c’est la dernière longueur (quatrième de l’arête et sixième au total) que Tim attaque ensuite. Je le rejoins sur cette arête on ne peut plus friable. Nous nous dressons alors sur un beau sommet, modeste mais vierge ! La vue sur le canyon, que l’on domine enfin (on finit par s’y sentir à l’étroit !), est exceptionnelle.La photo du sommet !

Après quelques temps passés à contempler le canyon, nous équipons la descente avec de la cordelette abandonnée autour des arbres, permettant des rappels toutefois dangereux. Le rocher est réellement exécrable et nous devons à la descente faire tomber les plus gros blocs pour ne pas qu’ils nous écrasent ensuite. Un orage se forme au loin, et se rapproche de nous. L’efficacité devient obligatoire dans ces rappels.

Nous perdons ensuite notre chemin de montée entre l’arête et le socle, et débouchons ainsi sur une cascade magnifique mais trop haute pour être descendue en un rappel. Nous rebroussons chemin. Dans le dernier rappel du socle, je découvre en pleine paroi deux serpents fluos en faisant tomber un bloc. Drôle de rencontre ! Enfin, nous retrouvons le torrent salvateur au fond du canyon. Après une douche froide, nous profitons d’un nouveau feu de camp réconfortant. Nous sommes cependant toujours au fond d’un canyon sauvage et reculé, il faut toujours que l’on parvienne à s’en échapper.

Mercredi 09 novembre – Le retour par l’arête de la cascade La cascade de Basaseachi

Le petit déjeuner au pied de notre aiguille surnommée pour nous « El Pequeno » est très plaisant mais notre situation n’a guère évoluée. Il nous faut toujours sortir du canyon !

Poursuivant notre route en direction de la cascade de Basaseachi, seul échappatoire connu, nous pensons qu’après notre escalade la suite serait facile. Grave erreur ! Nous trouvons d’abord de vagues traces en rive gauche, mais qui ne cessent de disparaître. Enfin, c’est à nouveau après plusieurs heures de marche pénible que nous apercevons enfin la cascade !

Notre dernier objectif est de remonter du canyon en grimpant. Nous choisissons la voie la plus facile, l’arête de la cascade, en rive gauche de celle-ci. Elle se parcourt en 16 longueurs, allant du 0 au 5.11b (6c+). Nous laissons les sacs au pied et l’entamons. Dans les premières longueurs, les plus difficiles, l’escalade est très agréable, parfois interrompue par des zones herbeuses alors exposées, tandis que le reste de la voie est bien (trop) équipé. L’ambiance ne décolle qu’à partir de la sixième longueur, qui juxtapose… un belvédère ! Le paysage n’en est pas moins exceptionnel, avec cette incroyable cascade juste à notre gauche.

De très beaux 6a, sur le fil de l’arête parfois aiguisée, nous conduisent à une section moins raide mais désormais indépendante. Nous débouchons alors à un petit sommet dominant l’esplanade supérieure de la cascade, que nous rejoignons en un rappel.

Relais !

En plus des quelques gouttes d’un orage semblant se préparer au loin, un Mexicain nous accueille pour notre retour à la civilisation. L’aventure n’est pas encore finie, et malgré la fatigue et la pluie menaçante, il nous faut redescendre au pied de la cascade récupérer le matériel déposé. Ce dernier portage effectué, nous rentrons au Rancho san Lorenzo à la frontale, épuisés mais heureux.

Au fait ! La voie s’appelle « Les naufragés bienheureux » ! en voici le topo. Si vous la répétez, merci de ne pas porter plainte contre les ouvreurs !

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