North Wales – Voyage à travers la pluie
C’est bien connu, pour les vacances, tout se passe dans le sud. Quelques sites au nord d’Avignon semblent intéressants, mais c’est bel et bien l’Espagne qui est à la mode. Pourtant, de temps à autre un article, ou une rencontre laisse supposer qu’en Outre-Manche, les Grands Bretons grimpent également, et pas qu’au Peak District. Des centaines de sites sont en fait majeurs, dans les terres ou sur les falaises maritimes, très fréquentes dans ces contrées proches du pôle nord.
Après de fortes hésitations, nous sommes allé explorer les montagnes sauvages et les falaises aventureuses du nord du Pays de Galles : entre Gogarth et Cloggy, le soleil et la pluie sont systématiquement présents : s’il fait beau sur l’un des sites, il pleuvra à l’autre et vice versa. Beau temps garanti, donc !
Clogwyn Du’r Arddu (Cloggy)
Certes, le nom est à dormir en faisant le poirier (il s’agit du Gallois), mais cet ensemble complexe de parois est magnifique. Il s’agit d’un haut lieu de l’escalade britannique, la paroi atteignant jusqu’à 200 mètres. L’accès est relativement aisé et le cadre somptueux. En revanche, la paroi est souvent un peu humide, le rocher pas toujours sain, certains itinéraires sont particulièrement dangereux, mais celle-ci reste mythique : Cloggy est considérée comme un haut lieu de l’escalade aventureuse galloise.
La première ascension de cet ensemble de piliers remonte aux années 30. Depuis, Cloggy est le théâtre d’exploits osés. Les plus grands y ont laissé leur nom : Joe Brown, Don Willhans ont ouvert des lignes exposées et logiques, parcourant principalement la plus grande face. Leurs voies sont toujours réputées et certaines ne voient que peu de monde oser les parcourir… Cependant, de nombreuses anciennes voies sont toujours classiques, et restent abordables.
Les voies les plus célèbres ont été mises en valeur par le fameux peintre John Readhead. Il osa y planter le premier spit (ici, comme sur toutes les falaises traditionnelles britanniques, l’assurage ne se fait que sur coinceurs), qui fut par ailleurs assez rapidement détruit, dans le Master Wall. C’est également lui qui découvrit, sans l’ouvrir (cela sera en 1986 par J. Dawes), la voie Indian Face, cotée E9, dont l’exposition est telle que la corde est presque facultative dans ce F7c de 50 mètres.
Depuis, chaque ascension d’Indian Face est médiatisée, mais les autres voies restent peu connues. Cependant, la falaise est très souvent déserte, oubliée même, mais reste mythique. Les rares cordées fréquentant les lieux sont souvent très expérimentées, et très fortes. C’est dommage, car les itinéraires faciles sont tout aussi beau…
Gogarth
Gogarth est l’une des falaises maritimes les plus célèbres du Pays de Galles. Située à moins d’une heure de Cloggy, la météo y est toujours opposée : il est donc fortement recommandé d’envisager sur un voyage de naviguer entre ces deux sites.
Hautes d’une bonne centaine de mètres, ces falaises sont avant tout connues pour la réserve ornithologique. Comme à Cloggy, les grimpeurs sont très rares, à se demander si le secteur n’est pas interdit à l’escalade. Il existe une dizaine de secteurs différents, qui ne sont pas forcément recommandables. De très jolies voies faciles sont à faire en priorité :
Lighthouse Butress direct est une voie cotée VS 4c, soit du 5c très facilement protégeable, et aux relais faciles à construire. Deux rappels sur pitons rouillés nous posent sur une petite terrasse, à quelques mètres de la mer. Il faut ensuite remonter, grâce à une escalade gratifiante sur du bon rocher.
Plus impressionnant, A dream of white horses est LA voie abordable à faire : un accès également en rappel, aucune échappatoire possible, et une ambiance unique : on traverse des dévers impressionnants au-dessus de la mer, sans dépasser le 6a. Un gaz rare dans ce niveau, des relais suspendus sur coinceurs et une escalade superbe font de cet itinéraire une voie exceptionnelle.

Sean Villanueva et Nicolas Favresse dans « Mad Brown », E7 6b, secteur Wen Zone – Seconde ascension de la voie et première à la journée (quatre longueurs). Photo : Jean Louis Wertz
Les voies dures y sont également très nombreuses. Dans les années 80, Paul Pritchards y a ouvert des itinéraires exceptionnels, comme Super Calabrese, E8 6b, une des voies traditionnelles les plus dures et dangereuses du monde à l’époque.
Actuellement, il arrive que Gogarth soit mentionné dans la presse spécialisée britannique. Quelques mutants fous y enchaînent des voies extrêmes. Il semblerait également que le site continue d’attirer des grimpeurs moyens, car les voies majeures et faciles sont nombreuses.
Enfin, Gogarth c’est surtout une ambiance unique. La plupart des voies sont engagées, avec un rocher variable et des points de non retour très vite atteints (souvent dans les rappels même d’accès). L’ensemble des rappels est à vérifier, car les pitons sont souvent très effrayants. Rajouter un coinceur à récupérer à la montée est souvent une bonne idée !
Prêt pour l’aventure ?
Comme bien souvent, ces parois sont totalement dénuées d’équipement. Cela les rend évidemment réservées à un public initié, mais elles pourraient permettre de se perfectionner en terrain d’aventure. On y cherche son itinéraire, se protéger peut demander du métier. Les voies ne sont pas laissées sans équipement uniquement parce qu’elles se prêtent à ce jeu, mais bel et bien parce que c’est l’étique locale. Même hyper dangereuses, les voies ne seront pas rabaissées au niveau du grimpeur. C’est au grimpeur d’avoir le niveau de passer.
Loin des standards classiques, les falaises de Cloggy et Gogarth sont pourtant très dépaysantes, et permettent de goûter à une escalade différente.
Si vous recherchez des renseignement sur les voies ou que vous cherchez un moniteur pour vous accompagner, n’hésitez pas à me contacter. Nous pouvons, ici et ailleurs, organiser des séjours entre cinq jours et deux semaines, avec comme objectif principal l’apprentissage et l’autonomie, car le terrain y est idéal pour apprendre.
Et désormais, je connais les voies à faire, et surtout celles à éviter!
A dream of white horses – le topo
Même à Gogarth, cette voie est exceptionnelle. Elle rentre sans soucis dans le top 10 des voies que j’ai pu gravir, et je n’en connais aucune qui puisse lui ressembler. Elle traverse une arche impressionnante au dessus de la mer.
Bien qu’abordable, cette voie se mérite: l’approche se fait par le haut et il est bien compliqué dans toutes ces bruyères de trouver le rappel d’accès! Malgré cela, le moment de « couper les ponts » vient trop vite. C’est à quelques mètres d’une eau souvent bouillonnante que l’on construit son relais, et que l’on ravale la corde, dominé par d’impressionnants dévers. bien évidemment, aucun équipement en place ne vient rassurer… Sortir tout droit semble impossible, et le retour par la mer, suicidaire. La seule solution est donc de traverser l’arche vers la gauche, par une ligne de faiblesse à peine marquée, à travers les surplombs. Pourtant, le topo annonce bien 6a. Difficile au début d’y croire…
La voie est donnée en cotations anglaises (HVS 5a correspond à 6a bien protégeable) :

Katy Whittaker – Gogarth, Pays de Galles, dernière longueur de « A dream of white horses »
Source : https://www.chrisensoll.com/ photos Arcterix
L1: HVS 5a; remonter le mur. Cette longueur est souvent sous l’eau (attention aux marées).
L2: HVS 5a; traversée une écaille évidente, relais suspendu (sur coinceurs)
L3: VS 4c; continuer l’écaille en traversée pour faire relais dans une cheminée en rocher étrange/brisé mais solide.
L4: HVS 4c; LA longueur qui mérite de venir du bout du monde! traversée sous les toits et entre les dévers pour rejoindre une cheminée à gauche de 3/4 mètres. L’ambiance est très aérienne, l’escalade bien prisue. En cas de chute, une belle galère vous attend: pendu cent mètres au dessus de la mer d’Irlande et retenu par je ne sais quel coinceur, il va falloir remonter au plus vite sur la corde… Relais sur blocs.
Difficulté: HVS 5a / TD; 6a; 120 mètres de développé environ.
1ière ascension: Joe Brown, Ed Drummond et Dave Pear
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