Los Mallos de Riglos fut notre premier voyage de grimpe. C’est après avoir lu la bible « Paroi de Légendes » que nous avions commencé à rêver sur le lieu. Notre premier critère ne fut pas l’escalade proprement dite, mais le cadre et la tranquillité. Nous avons définitivement été ravis! Ce voyage aura fortement développé ma passion pour la découverte, passion qui se mélange bien avec l’escalade!
Ce site est absolument magnifique. Je me souviens encore de l’émotion ressentie lorsque de la route se découvrent d’un coup ces tours vertigineuses. A la fois impressionnés et émerveillés, nous étions confiant sur notre choix de destination.
Riglos est un petit village typique de l’Aragon, charmant et authentique. Le bal des vautours, ces fiers rapaces flânant dans le ciel, renforce considérablement le dépaysement. Les habitants y sont très attachants et le lieu est tout simplement exceptionnel. Bien que le village soit petit, on y trouve tout ce dont on peut avoir besoin, ou presque. Il ne faut bien souvent pas plus de cinq minutes depuis le village pour atteindre le pied des voies. Et contrairement à d’autres sites, parfois en conglomérat, l’escalade est tout simplement démente. Tout est déversant, mais toutes les prises, si elles ne vous restent pas dans la main, sont bonnes. Vous l’avez compris, ici tout est « facile », bienvenue en Espagne!
Pour en revenir à l’escalade, celle-ci est unique. Ces tours aux longs dévers réguliers ne manquent pas d’intimider ceux qui y posent leur regards, mais n’oublions pas qu’elles sont pourvues des plus belles prises qui soient. En effet, ce conglomérat est le plus agréable à grimper que je connaisse, et ce grâce à ces gros galets. L’escalade y est donc très physique mais on peut avancer très vite grâce à toutes ces prises partout. Le gaz y est en revanche très impressionnant, mais le fait d’avoir de bonnes « pommes de terre » en main tend le faire parfois oublier. Celle-ci peut parfois être tout de même technique, dans les rétas des « panzas » (ventres, ou bombés) qui sont nombreuses sous les sommets même, car leur partie supérieure est trop souvent lisse.
Nous y avons fait une bonne dizaine de voies, je vous en présente quelques unes, nos plus belles.
Moskitos – la Visera
La Visera est sans doute la formation la plus étonnante et la plus intimidante du site. Un grand mur raide coiffé d’une impressionnante casquette. Même si l’on sait que les prises y sont bonnes, on doute sérieusement des cotations annoncées dans les topos en regardant la face. Certaines voies y sont tout simplement mythiques, comme Zulu Demente ou encore la Fiesta De Los Biceps, toutes deux théâtres d’exploits modernes: Zulu a été gravi dans une course folle de Leo Houlding et Carlos Suarez, qui ont manqué de peu l’enchaînement de deux voies en deux heures, avec descente tout simplement en sautant. Dans le même style de descente rapide, la Fiesta a été parcourue en « free base », c’est à dire sans corde et avec un parachute dans le dos. Le dévers y est tel que les « Frenchies » s’y sont permis quelques clowneries! (voir le film « le petit bus rouge »). Enfin, cette voie avait été gravie plusieurs fois en solo intégral (ainsi que Zulu) par Carlos Garcia. Le parcours en solo intégral à vue d’Alex Honnold sera toutefois l’exploit ultime. D’autres voies existent, en libre difficile ou en terrain d’aventure sérieux.
Moskitos est la voie la plus facile de la paroi. Après un dièdre parfois un peu engagé, une incroyable traversée plein gaz mène à « El Trono ». Il est alors temps de réviser sa technique car celui ci est dominé par une fameuse « Panza », crux de la voie en 6b+. Certes, l’on contourne un peu le dévers final, mais l’ambiance reste bien présente!!
El Puro – Via Normal
El Puro est une formation unique. Collé à cet immense pain de sucre qu’est le Pison, El Puro est tout aussi remarquable. Ce doigt élancé, droit et vertical ne semble pas être très solide… Et pourtant! Plusieurs voies existent sur cet incroyable monolite, et la voie normale est bien sur la plus classique. Après un joli dièdre en 5c, facile à trouver (la vraie voie normale démarre bien plus à droite, mais n’est que peu empruntée car difficile à trouver et indirecte), une courte longueur amène au premier pas dur. Un 6a+ très bloc, sur un court dévers, puis on passe dans une belle et profonde cheminée entre le Puro et le Pison. Celle ci est facile, et constitue en soit un musée de l’équipement: lacets d chaussures, câbles de fer décorent le secteur tandis que les points solides (et éloignés!) rassurent. On arrive alors au col, puis un 5c aérien et enfin un beau 6b mènent à cet incroyable nid d’aigle. Un sommet à faire absolument pour une voie pas si compliquée!
Le sommet fut gravi la première fois en juillet 1953 par F. Juveniles de Zagora, M. Bescos, A. Rabada et A. Lopez par la face nord. Ils baptisèrent alors le sommet « Mallo Fracisco Franco, ou plus simplement el Puro del Pison, surnom du dictateur. La première ascension de la voie actuellement classique est en fait un panaché de voies.
La Murciana – El Pison
Le Mallo Pison est celui qui domine le plus le village. En forme de pain de sucre et esthétique de tous points de vue, il est très difficile de ne pas avoir envie de le gravir! Sa voie normale est l’une des plus facile du massif, et toujours typique de l’escalade local.
Tous ses versants sont parcourus par diverses voies, mais le plus impressionnant reste sa face dominant le village. En léger dévers régulier et continu, ses prises sont visibles de très loin. Les voies y sont de niveaux variés, allant du voyage d’artif moderne en A5 « Sin Chapas y a lo loco » de David « Pelut » Palmada et Jaume « Paca » Clotet (2011), à la Murciana (également surnommée la Alberto Ravada en hommage à ce grimpeur espagnol très fort, faisant équipe avec Navarro, morts ensemble à l’Eiger), qui est l’une des voies les plus abordables et des mieux équipées de cette face.
D’abord ouverte en style traditionnel en 1976 (il en fallait pour oser…), elle est désormais clé en main et on ne peut plus recommandable. L’escalade y est impressionnante, bien que jamais difficile et l’équipement en place rassure énormément. Quelques panzas juste sous le sommet pourront éventuellement demander la reconnexion de votre cerveau… Les longueurs les plus belles sont celles du milieu, en 6a/+, déversantes dans des rivières de galets. Le passage le plus dur est quant à lui assez court, en 6c/+. L’arrivée au sommet est un moment fort!
La Murciana est une directe au sommet qui passe par le dièdre bien marqué puis la traînée blanche, due à la magnésie
La Directa As Cima – El Mallo Fire
Le Fire est sûrement le plus beau sommet de Riglos. Composé de cinq pointes, dont les trois principales en forme de drôle de cigares posés verticalement les uns sur les autres, il est alors plus élancé que les pains de sucres ou les parois larges qui dominent directement le village. Il faut marcher davantage pour y accéder et les voies sont moins classiques. Des horreurs d’artif pour gens qui ont un courage débordant côtoient les rares voies classiques de terrain d’aventure du site. Depuis peu, des voies modernes bien équipées complètent ce tableau.
La directa as cima est particulièrement intéressante car ici la grimpe est sensiblement différente. Moins raide, celle ci est plus technique car les galets sont aussi moins gros. L’ambiance est toujours exceptionnelle, et cela fait beaucoup de bien lors du voyage de reconnecter un peu les neurones et de réfléchir (un peu) au placement des pieds. Et une fois de plus, l’arrivée au sommet est un moment magique, d’autant plus que la descente sera facile. Le sommet étant peu fréquenté, il est possible que vous y sympathisiez avec un vautour! La voie étant encore neuve, casser des prises y est courant.
Fuertes Al Dedo Del Fire – El Mallo Fire
Cette courte voie de 100 mètres est située tout à droite sur un vague éperon à la base du Fire, lorsqu’on le regarde depuis le village. Elle est succinctement décrite ici pour donner une idée de ce qu’est à Riglos le terrain d’aventure. Dangereux et délicat, ce style est représenté sur tous les sommets, mais très rarement pratiqué. En effet, le rocher y est généralement peu solide et mettre des bonnes protections demande au moins beaucoup de métier. Je me souviens, dans une autre voie, d’un relais sur une dizaine de pitons, dont aucun ne semblait tenir plus de 10 kilogrammes… Quelques rares voies sont régulièrement parcourues, comme « la Ravada Navarro » sur El Fire. Ces voies là sont à priori bien recommandable, bien que cette dernière ai fait vibrer beaucoup de grimpeurs!
La voie « Fuertes… » est délicate, bien que facile (5b?). Il faut réfléchir continuellement à l’itinéraire et ce, dès l’approche. Nous n’avons pas pu gravir la première longueur comme décrite sur le topo car la végétation nous en empêchait! Nous sommes passés par des variantes, mais pour une fois les relais à construire sont bons. Un petit sommet marque une courte pause: nous pensions enchaîner l’arête jusqu’à la prochaine pointe, mais nous en avions marre de jouer au BTP alors nous avons pris la descente classique, particulièrement casse-gueule: une traversée équipée de trois points ramène au col du Fire. Gare, car même si celle ci est très simple, le terrain est particulièrement instable!!
La Hoja Del Cuchillo
Se démarquant par son éperon saillant des autres parois lisses et deversantes, le « cuchillo » ne manque pas non plus d’attirer le regard. Dominant encore plus le petit village de Riglos, son profil improbable n’a rien de rassurant : la paroi penche et semble tomber sur l’église du village.
Pourtant, malgré son élan hors norme, cette paroi reste relativement peu fréquentée par rapport à ses voisines. Longtemps les voies peu équipées étaient majoritaires et le fil même à priori mal équipé. Une voie moderne difficile et grandiose y passe, alors que la « hoja » la longe quelques mètres à droite pour une escalade nettement plus modérée.
Cette voie se déroule en deux parties, avec une zone de gradins médians. Les deux premières longueurs remontent un mur déversant typique des mallos, alors que la seconde, également penchée « dans le mauvais sens » est composée de nombreuses panzas, ces surplombs casse tête locaux. Il s’agit donc d’une voie relativement technique pour le site, parcourant un mur superbe, contrastant avec les grandes longueurs de contis régulières.
Il ne s’agira donc pas de la première voie à faire absolument sur place, mais le sommet va vite devenir indispensable pour les amoureux du site.
Difficulté : TD+; 6b+, 6b obligatoire; 230 mètres. Le premier 6b est très engagé voir exposé car il manque une plaquette dans le crux…
Bon voyage à vous!
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