Une nouvelle voie dans le massif Sainte Victoire, et qui plus est dans le baou des Vespres en 2018? Naturelle? Voici une idée assez improbable, je le conçois! Il y a trois ans, mon ami Maxime Luiggi avait parcouru une ligne sans aucune trace de passage (« Cairnissimo ») dans cette belle paroi, ce qui m’avait mis la puce à l’oreille. En regardant bien les divers topos, on constate qu’il demeure un trou en plein milieu, sous le jardin. Improbable, mais provocateur. Après avoir interrogé pas mal de monde, il s’avère que la ligne que j’ai repérée n’aurait jamais été référencée. Mais a t-elle donc déjà été parcourue? La seule façon de le savoir est d’aller voir…

Le socle – notre voie passe en plein dans le dièdre central – droite, qui mène au « col » sur la photo
Je grimpe en tête (et en gardant mes chaussures plus qu’usées, cela donne le niveau de ce passage!) et, juste avant d’arriver au relais (un bon chêne repéré du bas), je trouve une double sangle avec un maillon rapide! (il est à noter qu’une fissure nettement plus simple que « notre » suite part de là et laisse ainsi un peu d’espoir…) Assez peu surpris, j’espère que le maillon rapide, à la fin du seul passage vraiment facile de la voie, n’est que l’œuvre d’une tentative sans succès… Alex part donc en seconde longueur, et trouve immédiatement deux pitons, avec maillon rapide (toujours dans ma poche au moment où je rédige ces lignes!). Bon signe, ou mauvais signe? En tous cas, il s’agira des dernières traces de passage de toute la voie. La suite est neuve et, pour le coup, semble réellement ne jamais avoir été parcourue. Cette seconde longueur est donc déjà nettement plus grimpante que la première et propose des cruxs en fissure large rares pour le massif… Dur et obligatoire en libre, il n’y a du coup plus de trace de passage et on devine une envie pressante chez certaines prises, certains blocs et même certains piliers (gare!) de rejoindre le pierrier formant le bas de la paroi. Attention à ne pas faire partie du pierrier!
Ce second relais, comme le premier, se fait sur un chêne costaud, mais pour le coup intraversable. Il aura donné son nom à la voie : tous deux suspendus à une fine sangle en dyneema, j’ai du scier une branche pour pouvoir repartir. Nous n’étions pas si loin de l’andouille qui coupe sa propre branche, sauf que les sangles de 0.5 centimètres sous tension cassent plus vite qu’une large branche! La longueur qui suit, hors un pilier en équilibre incertain, est facile pour qui sait ramoner… Nous arrivons donc au jardin suspendu, qui marque la moitié du baou.
La seconde partie de la voie est plus classe, en rocher gris Sainte Victoire, assez raide pour le site. Si certains ont du parcourir avant nous la première longueur de la voie, je suis assez sur que la partie supérieure fut, quand à elle, visitée ce jour pour la première fois. Pourtant, ce bout de cailloux est vraiment beau, rendant la voie « Ne coupe pas le relais » plus intéressante que certaines voisines de gauche. Certes, elles n’ont pas un court jardin à la moitié, mais elles n’ont pas des fissures larges aussi classes, continues et dures. Nous terminons là par un off width délicieux, dans lequel gants et gros friends seront les bienvenus.
Un petit topo ! Et nous commençons par l’approche :
Marcher jusqu’au refuge Baudino, puis jusqu’au pied du baou des Vespres. La voie démarre dans un grand dièdre évident (le plus facile, au milieu du baou, dominé par une courte fissure surplombante), juste à droite de « Cairnissimo ».
L1 : 4b, 35 mètres; Remonter un dièdre en rocher soit douteux, soit végétal selon les sections. Relais sur le second gros chêne.
L2 : 6a+, 25 mètres; Continuer le dièdre, deux pitons de but (je me suis permis de récupérer les maillons témoins… mais nous avons utilisé et apprécié ces deux clous!) puis fissure dulfer déversante au début, pas très dure mais qui demande du jus pour se protéger… on poursuit tout droit, et une seconde fissure large plus dure est à franchir. Technique off width, gants recommandés… Pas simple, bravo Alex en tête j’aurais mis plus que 6a+…
L3 : IV+, 40 mètres; Cheminée parfois malcommode (la cotation en chiffre romain n’est pas au hasard) ou à la fin avec un pilier gauche en état lamentable, prêt à s’effondrer sur l’assureur par blocs de 100 kilogrammes : bien monter jusqu’au bombé lisse puis traverser à gauche jusqu’à un couloir facile menant au jardin, ne pas couper ou alors très bas… Relais en haut du jardin dans un chêne collé au mur supérieur dans l’axe de la sortie.
L4 : 5c, 30 mètres; En regardant le couloir à droite, prendre la fissure la plus à gauche de la « série », droit au dessus le relais. Une sangle dyneema laissée sur un chêne taillé, puis droit au dessus (on passe légèrement par la droite, lunule équipée). Relais sur terrasse/friends/buis en moitié de ce mur.
L5 : 5a, 15 mètres; Légèrement à gauche par une belle fissure puis un large crochet à droite pour revenir dans l’axe quand celle-ci devient douteuse (variante directe à ouvrir, on enchainerait ainsi L5 et L6, logique…). Par ce crochet à droite nous prenons une rampe évidente pour faire relais au pied de la fissure la plus à gauche, la plus large, de cette partie du mur… Relais dans une niche sur friends/blocs/buis.
L6 : 6a+, 20 mètres. Off width à gauche (lunule équipée en haut), avec une cotation intermédiaire entre les habitués ou non. (5a ou 6b selon).
Descente : par le grand couloir
Le baou des Vespres : voies nouvelles, voies anciennes, voies réouvertes?
Comme dans de nombreux massifs « anciennement fréquentés », certaines informations ont disparues avec le temps. Parfois, certaines voies disparaissent, ou sont réouvertes. En ce qui concerne « ne coupe pas le relais », il est évident que les 50 premiers mètres ont déjà été parcourus, et que des cordées ont fait demi tour à ce niveau. La suite ne présentait en revanche aucune trace de passage, et notre tracé, utilisant des fissures larges mal protégeables sans matériel moderne semblait bien avoir été boudée jusque là… est ce dû au jardin, au mauvais rocher en bas ou aux nombreux arbres, également en partie basse? Pourtant, quand on voit le grand n’importe quoi sur le topo juste à droite (voies qui se croisent et décroisent dans tous les sens!), on se dit que les anciens référençaient plutôt bien leurs voies! Après, en ouverture à côté de la maison la certitude absolue n’existe pas…
Notons une autre voie ouverte à priori en 2013 et qui n’a également jamais été mise sur un topo : les frères Volpi ont indiqué sur leur site sud-ascension l’ouverture potentielle d’un nouvel itinéraire. Après longue, longue étude du tracé, du schéma et une comparaison minutieuse (le bas ne correspond absolument pas à notre itinéraire – cotations, tracé, arbres, longueurs… En revanche, le fait qu’il y ait un arbre en début de L3 aurait pu rappeler notre départ de L4, mais la suite ne correspond pas du tout non plus – cotations, schéma, relais sur pitons, pas de niche évidente, etc… – ou alors, ils sot sortie plus directement ou à droite). Il semble évident que sur le topo officiel papier la directissime a été tracée trop à droite (elle se situe au niveau de la flèche gauche sur la grande fissure évidente). Les frères Volpi auraient donc ouvert la ligne décrite comme la directissime dans le bas de la face (leur topo ne laisse aucun doute à ce sujet, et les retour de la directissime le confirment).
En revanche, dans le haut, les tracés sont plus flous. Il semblerait que le parcours de 2013 sorte par une variante de la directissime, et corresponde ainsi à un (premier?) parcours en libre de ce morceau de mur.
1ière ascension : Alexandre Pierre (qui a fait les principales difficultés en tête), Nicolas Gay, le 17 septembre 2018
Difficulté : TD; 6a+ sérieux; 140 mètres
Matériel : TA en doublant le jeu du 0.5 au 3; Second jeu du 0.5 au 5. Le 6 pourrait être apprécié mais à l’ouverture nous n’en avions pas…
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