« Cette ligne m’a paru évidente au cours d’un repérage effectué il y a quelques semaines. Une belle dalle d’approche, des relais sur arbre, et enfin, un beau dièdre cheminée. Du moins, en théorie, la réalité fut toute autre! Je contacte Nicolas, qui n’est jamais contre l’ouverture d’une nouvelle ligne. Il a déjà ouvert plusieurs voies dans ce secteur qu’il connaît bien. D’ailleurs, il avait lui aussi déjà repéré cette ligne, mais n’avait pas donné de suite. C’est l’occasion !

Choix validé. Ils annoncent, un peu de vent, mais ça devrait le faire. La brumeuse Sainte, accompagnée d’un agressif mistral donne tout de suite une ambiance sérieuse. Une bonne heure d’approche et nous voila aux pieds de la voie. Et là, surprise : on ne voit que quelques mètres de falaise, de ce peu de visibilité, nous convenons d’un départ assez direct, reprenant les premiers mètres d’une voie voisine. Friends et câblés aux baudriers et je pars pour cette première longueur, après quelques mètres dans le couloir de départ, je remonte une fissure quelque peu encombrée de végétation, mais qui se nettoie bien. Quelques pas d’adhérence et j’arrive à deux arbres. Je souhaite passer entre eux, mais ils n’ont pas l’air d’accord. Plus je pousse plus leurs branches me tirent en arrière. À coups, de grognement, de jurons, et après avoir retiré mon sac, je finis par passer ! Au-dessus, un superbe mur, typique Sainte Victoire, mais compact, trop compact. Après de nombreuses recherches, pas moyen de se protéger, je décide donc de traverser sur la gauche. Quelques pas d’équilibre et me voilà à nouveau dans une zone fracturée. Un gros friend posé qui fait du bien au moral ! Nicolas, qui ne peut pas me voir, est un peu inquiet. Je fais donc régulièrement tomber des cailloux plus ou moins gros, pour qu’il se sente moins seul ! La fin de la longueur se rapproche après une nouvelle partie d’accrobranche beaucoup trop végétal a mon goût ! Je peux enfin construire un relai béton, au pied du fameux dièdre ! Dans cet épais brouillard, on se sent plus proche de l’Écosse que de Marseille ! Frigorifié par l’attente, et le vent, Nicolas est content de pouvoir enfin bouger et arrive à me rejoindre ! L’ambiance est toujours brumeuse à souhait, et nous nous sentons bien seuls ici.

À son tour de passer devant dans ce dièdre qui du bas nous semble correct ! Mais bien vite, nous allons déchanter. Le rocher n’est pas très solide, c’est gros, ça sonne creux. Nicolas doit être très délicat pour ne pas me faire tomber quelque chose dessus, je suis en plein dans l’axe ! Après une dizaine de mètres à grimper sur des œufs, le dièdre se couche un peu (trop). Nicolas finit par disparaître, a son tour, il grogne, lâche quelques injures. Pendu, sur mon relais exigu, je suis le témoin audio d’un rude combat ! Nicolas construit son relais et je grimpe enfin, bien refroidi. Je découvre son champ de bataille. En effet, les prises sont soit trempés, soit fragile, soit couverte de terres, d’herbes et de feuilles. Ca glisse, ça mouille, il fait froid. Tu m’étonnes que personne n’était passé avant ! Bien joué, Nicolas, tu n’as pas eu la plus facile !