vertical pirate

Moniteur d'escalade Calanques, Sainte Victoire et provence, pour l'abordage des falaises et autres aventures verticales ! En méditerranée et au delà …

Traversée Intégrale des Falaises Soubeyranes

escalade la ciotat

Lors du parcours, sur l’une des vires…

Cap Canaille est un point précis, dominant Cassis est situé environ un kilomètre au sud de la plage de l’Arène, et caractérisé par de belles falaises composées de calcaire souvent siliceux. Pour les grimpeurs, nous surnommons Cap Canaille la paroi allant du pas de la Colle à Cassis, jusqu’au Sémaphore du Bec de l’Aigle. Ces falaises nommées Soubeyranes se poursuivent ensuite jusqu’à la Ciotat, s’achevant par des demi-dômes de conglomérats, ronds vers les terres et aussi fracassés qu’abruptes au dessus de l’eau. Mais il n’existe aucune discontinuité entre ces parois dominant la grande bleue, pourtant différentes mais tout aussi tourmentées et composées des mêmes matériaux qui ne ressemblent que rarement à de la roche.

De mon côté, j’ai toujours été fasciné par les Calanques et plus généralement toutes les falaises maritimes. J’ai eu la chance de grimper des grandes voies au-dessus de l’eau en Malaisie, au Groenland, en Bretagne, en Guadeloupe, dans les îles Marquises, en Espagne, en Italie, et c’est souvent une motivation énorme pour moi. Plus encore, les traversées m’inspirent, cela rallonge énormément des falaises courtes et propose des aventures inédites. La traversée intégrale des Calanques dut effectuée par Henri Vincent dans les années 90. On ne peut effectivement pas parler d’une falaise unique mais le projet fut logique et exceptionnel, parfaitement raconté dans le très beau topo « Deep Water Soloing en Provence ».

escalade canaille soubeyranes elianac

Vestiges dans Elianac… Un point arraché !

Toujours à la recherche de nouvelles aventures et beaux projets, celui-ci a commencé à germer il y a presque 10 ans, en travaillant au Bureau des Guides des Calanques. J’emmenais des clients (sympas) sur les plus belles via cordas du coin et je me disais qu’il faudrait un jour tout connecter, traverser la falaise d’un bout à l’autre de cassis à la Ciotat. L’idée ne m’a jamais quitté, j’ai fait évoluer le projet sûrement mais bien trop lentement. Il m’aura fallu toutes ces années pour aller repérer, découvrir et ouvrir les sections manquantes… Cela ne fut pas une mince affaire ! De nombreuses traversées existaient déjà, mais il a fallu les connecter…

escalade cap canaille Elianac traversée sauvage

Le jour se lève dans Elianac. Plus nous avancerons moins larges seront les vires…

Il m’aura fallu des journées entières, d’abord pour repérer les voies déjà existantes, puis pour trouver les passages manquants, toujours seul. Que d’errances solitaires sur ces vires exposées, pour réaliser de courtes sections souvent peu intéressantes et dangereuses ! Je ne compte plus le nombre de buts, de demi-tours au dernier moment, de griffures dans les chênes kermès et les aiguilles de figuier de barbarie dans la peau à retirer… Mais j’ai fini par trouver l’ensemble de l’itinéraire, sans compromettre les règles du parc national des Calanques, interdisant l’équipement sauvage.

Seulement, la première partie me semblait trop pénible à réaliser seul. Il me fallait un compagnon de cordée, et pour une aventure à Canaille un ami précis s’imposait pour m’accompagner. Il s’agit d’Ivan Dufresne, moniteur d’escalade. Nous avons vécu tant de bons moments ensemble sur ces falaises que ce devait être avec lui. Nous avons choisi de le faire à la journée, ce qui en soit était un vrai défi. J’ai effectué les jours précédents cinq portages pour se ravitailler en eau et en nourriture.

Je tiens à préciser que j’ai choisi de traverser une falaise en prenant sa définition géographique et géomorphologique : une barre rocheuse (ou un escarpement en pente forte, ce qui n’est le cas que sous

traversée immortelles inferieure cap canaille

Si vous n’aimez pas courir en solo jusqu’au 4 mieux vaut aller voir ailleurs…

« ouvreur de bouse » – ensuite la paroi est certes stratifiée et abritant des vires mais tombe droit dans la mer) et de hauteur variable, créé par l’érosion marine le long d’une côte (il existe également des falaises au dessus de lacs mais cela est bien plus rare). La première partie de l’itinéraire est donc moins rocheuse que la seconde.

Nous avons commencé à 4h30 du matin. À 4h30, il fait déjà bon. Nous entendons le bruit des vagues et j’espère que celles-ci ne nous ennuieront pas cet après-midi. À la frontale, nous longeons le secteur ouvreur de bouse et attaquons Elianac en corde tendue. Nous avançons vite, et sortons aux émigrés 3h plus tard. C’est une voie sympa en 5c max, assez aventureuse qui nécessiterait néanmoins un bon coup de sécateur par endroits et de rééquiper mieux la fin.

Nous continuons en courant sous le grand Draioun puis le pas de la chèvre et enfin le sentier noir jusqu’à la vire des immortelles. En chemin nous avons croisé une cordée se dirigeant elle malheureusement aux urgences suite à une petite chute mais avec une belle coupure à la cheville.

L’itinéraire quitte ici les larges vires, talus confortables et nous ne quitterons quasiment plus le rocher. Après la vire des immortelles par la partie inférieure, très belle et facile, idéale pour une initiation, nous

vires cap canaille falaises soubeyranes

Encore des vires ! Mais il faut bien savoir les connecter…

arrivons au fameux palmier, trônant fièrement dans sa gorge, à peine plus de 4h après notre départ. Les premiers à avoir fait la traversée de Cap Canaille jusqu’au sémaphore avaient mis deux jours, en sortant par la vire Philémon.

S’en suit la corniche des grands ducs, à peu près du même niveau mais plus aérien, tout aussi belle. Et arrive le premier passage vraiment délicat. Après plusieurs repérages j’ai réussi à trouver des lignes de vires qui permettent de ne pas sortir de la falaise dans le sens « escalade » (d’un point de vue géologique passer au- dessus était tolérable mais bien moins élégant, contournant un problème par le haut sur la section la plus impressionnante de toute la traversée). C’est particulièrement dangereux et inintéressant.

On rejoint ensuite le trou Jeannette, bien plus accueillant même si aujourd’hui une cascade coule encore suite aux pluies des derniers jours. L’escalade se fait désormais au ras de l’eau, heureusement qu’il n’y avait pas trop de vagues car en plus de se mettre en danger à cause du ressac je me serais vu obligé d’accélérer le rythme pour aller surfer après cette grande balade. Derrière le trou souffleur nous croisons des amis, Jean Claude et Vincent, accompagnés de leurs familles, qui nous font même passer sur la tyrolienne !

deep water soloing la ciotat

On poursuit par des passages au dessus de l’eau, en psykoblok plus ou moins exposé, où il faut savoir parfois prendre (beaucoup) de hauteur pour éviter des passages impossibles ou presque…

La voie continue ainsi au ras de l’eau, contournant un gros pâté jusqu’à un canyon. Le passage de celui-ci est très délicat et exposé bien qu’au bord de la mer, environ en 5c. Après le canyon, l’escalade est facile en restant au plus bas sauf sur une section. La grimpe est dure au fil de l’eau, une vire amène à un vieux rappel (une lunule béton et un point pourri), la désescalade est facile mais exposée. On arrive ainsi aux égouts de la Ciotat, où tomber dans l’eau ne semble plus être une option…

Nous arrivons alors au pied du Capucin, très en avance sur l’horaire que je m’étais imaginé. On se permet d’aller le gravir, puis nous redescendons à la calanque de Figuerolles. Tout va bien, nous sommes en avance, même trop pour l’apéro. Par un système en Z nous remontons le dôme rocheux dominant la calanque tout en restant au niveau de la mer. Une partie de fait sans assurage jusqu’à une large baume d’où l’on remonte par la droite.

La fatigue commence à se faire sentir, cela fait un moment que je commence à avoir des crampes et je ne reconnais pas ce que j’ai encore revu la veille. Nous errons pas mal de temps avant de trouver la bonne vire, nous déposant sur un col, marquant le début de la falaise surplombant le trou du diable. Ici le passage au ras de l’eau aurait été possible, mais cela cote 7b, ce qui n’est pas si évident avec des kilos de matériel et 12h d’aventure dans les bras. Une fois encore nous repassons par un système de vires proposant des passages craignos non équipés, qui nous permet de rester dans la falaise. C’est le dernier endroit où je ne me suis pas planté. On descend alors un peu grâce à une cordelette en place pour immédiatement remonter sur une vire. Je me trompe une première fois. Trop bas. Une seconde fois. Trop haut ! La dernière option est gagnante, une vire en descente facile mais qui devient exposée à cause de la fatigue. Au bord de la mer, un surplomb nous nargue. Je ne me souviens plus, je remonte un éperon exposé pour me rendre compte que c’est bien par ce surplomb que la voie passe. Encore un bon 6a avec un pas intéressant en descente qui ne m’avait pas marqué lors de mes repérages, mais avec la fatigue tout est différent. Les vagues sont présentes et nous demandent parfois de temporiser au risque de se faire lécher les pieds (ou emporter), mais ce pourrait être pire.

escalade trou jeannette la ciotat

Les commentaires risquent de se ressembler…

À partir de là normalement tout devient facile. Sauf que je me trompe de vire une fois de plus à l’anse du Gameou pour repartir trop haut. Enfin, le terrain devient plus facile mais une fois de plus mes choix sont rarement judicieux. Nous voyons le jour tomber, Ivan nous prévoit un superbe coucher de soleil malgré des nuages rasants, mais heureusement nous passons le cap du Bec de l’Aigle avant ce moment sans doute magique car nous commençons à en avoir un peu marre de grimper du 4/5 et de courir sur les vires.

La fin est pénible, le tour du Bec de l’Aigle est long et dans ce sens de plus en plus difficile. Ce n’est pas grand-chose, mais des passages en 5a plus ou moins exposés deviennent, sur ce conglomérat parfois peu solide, de moins en moins drôles. Et tomber ici dans la mer imposerait de tout recommencer au début et franchement ni Ivan ni moi n’avons le courage de l’accepter. Mais enfin, nous arrivons au parc du Mugel, à la Ciotat !

1iere ascension : Ivan Dufresne et Nicolas Gay, le 31/10/2024.

Difficulté : TD; 6b max, un peu de 6a, un peu de 5 (parfois exposé), beaucoup de 4 (régulièrement exposé), énormément de 3, et de la bartasse. Environ 9 kilomètres au total.

Matériel : grande voie équipée, quelques coinceurs et friends, nombreuses sangles.

traversée intégrale falaises soubeyranes

Vers la fin, en apercevant au loin le sémaphore, environ à mi-parcours

vertical pirate cap canaille

Une photo prise depuis la traversée Philémon (hors parcours) montrant la seconde partie, où tout n’avait pas encore été exploré…

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