Le Petit Clocher du Portalet est un superbe monolithe, raide, élancé, et isolé. Situé au nord du massif du Mont Blanc, côté suisse, son profil est absolument immanquable, et la verticalité de ses faces laisse vite rêver les grimpeurs. J’avais observé de loin ce sommet lors de l’ascension de l’aiguille de la Cabane, il y a environ quinze ans. Ce sommet a ensuite hanté mon esprit, jusqu’à ce que nous allions enfin tenter l’aventure, en 2007. Une ascension que nous n’oublierons jamais, et qui nous a vite fait prendre beaucoup d’expérience… Je vous la présente sous forme de récit.
Encore (trop) jeunes et très optimistes sur nos capacités à endurer en silence, nous avions mis le réveil à 3h du matin. Réveil aux Houches… Nous commençons donc l’approche par un très long trajet en voiture, jusqu’à Praz de Fort (l’approche classique emprunte un télésiège, et oblige à y passer deux jours, car ce dernier ouvre tard…). De là, nous avons marché 4h30, hors sentier et en devant traverser des torrents pour rejoindre le pied de notre superbe aiguille. Loin d’être découragés par les raides parois qui nous dominent, nous poursuivons à travers les vires notre approche jusqu’à rejoindre le pied de notre voie, le Pilier Sud Est, probablement la plus facile des voies raides de ce sommet.
L’ascension elle-même se déroule plutôt bien, avec toutefois quelques vols plus ou moins impressionnants (ah, la jeunesse insouciante…). Le ciel se couvre doucement, mais les longueurs sont en revanche rapidement avalées. Le vide se creuse, je commence à m’interroger sur la suite : le ciel se charge, mais pas de gros nuages. Une cordée passe à côté, je les interroge sur leur avis : orage impossible, selon eux! Une réflexion rassurante qui confirme les prévisions météos que nous avions. Nous poursuivons donc, il ne reste que deux longueurs. Je pars en tête heureux dans la dernière longueur, réalisant que j’accomplissais un rêve de longue date, probablement ma première si grande satisfaction de grimpeur. J’arrive au sommet, enfin, mais pour découvrir derrière un ciel noir. Pour me rassurer, le premier éclair tape derrière, et je comprends qu’il ne va vraiment pas falloir perdre de temps, car nous sommes alors « au mauvais endroit au mauvais moment », seuls sur un immense paratonnerre durant un orage.
Pour les quelques secondes que cela prend, je choisis de faire monter mon compagnon au sommet, Driss ne perd pas de temps dans le 4c final. Nous démarrons au plus vite notre descente en rappels, assez sereins. Ce sera sans compter les rappels dans le granit… Nous manquons d’expérience, cela se fait vite sentir : nous coinçons le premier rappel… La pluie est déjà sur nous, et les éclairs se multiplient et se rapprochent… Cela me prend du temps de remonter à la corde avec une technique que je ne maitrise pas encore bien, et nous perdons du temps. Je le décoince, puis nous poursuivons la descente. L’orage se calme, mais nous recoinçons la corde, au dernier rappel… Le temps de la débloquer, un autre orage revient sur nous.
La descente des vires est encore épique, puis nous rejoignons enfin, trempés, épuisés mais soulagés les pierriers en bas du mur. Retraverser les torrents en sens inverse devient épique à cause du débit d’eau doublé, mais nous prenons notre temps, plus rien ne presse. Nous rentrons au parking, fatigués comme jamais. Driss y laisse même son baudrier. Nous sommes de retour aux Houches à une heure du matin, soit 22 heures après notre départ. On eut le dire, nous avons appris… Et nous ne nous sommes plus remis de telle mission ensemble depuis!
1ière ascension : M. Rey et C. Vouilloz du bas le 15 juin 1961
Difficulté : ED-; 6c, 6a obligatoire; 300 mètres
Matériel : Jeu de friends, câblés, matériel grande voie sportive
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