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Nenek Simukut – Freebird

Puncak Nenek Simukut est la tour sud, la plus belle des deux cornes de Dragons. Avant notre arrivée, un dizaine de voies parcouraient ses trois faces les plus évidentes. En revanche, la face nord ouest n’avait encore jamais été tentée. Pourtant, elle offre un beau mur parcouru de plusieurs systèmes de fissure évidents, à travers des dalles compactes. En 2015, nous avons eu la chance d’avoir cette paroi entière juste pour nous !

Les Dragon's Horn, vues depuis le ponton de Mukut

Les Dragon’s Horn, vues depuis le ponton de Mukut

Nous avons choisi la ligne que nous voulions tenter grâce aux photos prises depuis le « check point 9 », dernière étape de la piste créée par Oncle Sam en 2007. Après une étude minutieuse, nous avons repéré une belle ligne, mais pleine d’inconnue. En effet, bien que la face soit granitique, les fissures sont discontinues et il faut traverser des dalles pour les connecter.

Pour cette ascension, nous n’avons pas eu à faire le traditionnel portage dans la jungle étouffante, car le départ de notre voie se situe à quelques dizaines de mètres de celui de « wind of change », gravie quelques jours plus tôt. Nous avions logiquement laissé les sacs sur place.

Puncak Nenek Simukut, face nord est

Puncak Nenek Simukut, face nord est

Nous nous attendions à rencontrer de nombreuses difficultés lors de cette tentative d’ouverture. C’est pourquoi nous avons décidé d’effectuer un premier repérage. Nous sommes partis à trois, avec Tim et Apull. Nous rejoignons vite le départ de notre voie, celui-ci se situe au pied de la seule fissure évidente. Ayant repéré ce passage, je pars logiquement en tête. Après quelques mètres arrive la première difficulté : la fissure est bouchée par une importante touffe d’herbe. Je tente de contourner par la droite, puis par la gauche. Un bon bac m’échappe littéralement des mains et vient tout de suite s’écraser sur Timothée, concentré à l’assurage. Bien que je lui ai fait tomber un caillou de 20 kilogrammes sur la jambe, il est heureusement resté concentré et a eu l’amabilité de retenir ma chute malgré cette attaque personnelle. Il me redescend au sol et nous constatons. Heureusement, il était en jogging, mais cela  n’a pas suffit. Il lui manque pas mal de peau au tibia et, avec une belle glissade qu’il avait faite quelques jours auparavant, il commence à saigner d’un peu partout. Courageux, il souhaite continuer.

Freebird, fin de la seconde longueur

Freebird, fin de la seconde longueur

De mon côté, je médite sur ma chute, retenue par notre plus petit coinceur mécanique. Dans la jungle, tant que l’on n’a pas dépassé la canopée, tout est pourri et ce doit être pour cela que le bac que j’espérais tenir s’est ainsi jeté sur le pauvre Timothée.

Changement de stratégie. Je coupe un bout de bambou et me vache au coinceur qui a retenu ma chute. Je nettoie ainsi la fissure jusqu’à ce que celle-ci soit propre. Par chance, je libère ainsi un beau piège à friend et ce passage est alors très beau, en fissure à verrous. Je tire la corde et repars. La longueur est d’abord très bien protégeable dans une magnifique fissure puis plus exposée en traversant à gauche. Un joli 6a, qui donne accès au jardin d’où part une fissure d’une centaine de mètres de hauteur.

Troisième longueur, un 5a plus impressionnant que difficile!

Troisième longueur, un 5a plus impressionnant que difficile!

Timothée, malgré sa jambe endolorie, par en tête dans la seconde longueur. D’abord à droite de la fissure, trop végétale pour être gravie, il franchit une superbe dalle très prisue, exposée, le menant à la fameuse fissure cheminée. Juste avant que celle-ci n’oblique à droite, il la quitte par un court surplomb à nouveau bien fourni en bonnes prises pour s’engager dans une belle dalle abordable (5c). Un petit arbre marque le relais, complètable avec des coinceurs. Le dièdre qui le domine est absolument magnifique.

Alors que Timothée par explorer ce dièdre, je fixe notre corde statique pour redescendre, et améliore ensuite le chemin d’accès au départ de la voie. De son côté, Tim commence à fatiguer et redescend après avoir fait un relais intermédiaire. Nous rentrons à Mukut pour la nuit.

Le lendemain, nous sommes quatre, Tam complète l’équipe. Nous remontons la corde fixe laissée la veille, et je pars dans le dièdre inachevé. Le rocher y est exceptionnel, incroyablement sculpté pour du granite. Les alvéoles offertes par celui-ci rappellent les formations gréseuses.

vertical pirate Mukut Tioman Island

Troisième relais

Je le remonte jusqu’à ce qu’il se redresse complètement, et pars ensuite dans une dalle à droite, à nouveau très bien fournie en prises, mais sérieusement exposée (5a). Le relais se fait sur deux arbres qui n’inspirent pas une confiance aveugle… Au-dessus celui-ci, une belle fissure se dresse. Nous ne l’avions pas repérée, nous continuons à suivre l’itinéraire que nous avons reconnu.

Timothée commence ainsi la quatrième longueur par une traversée vers la droite, en chevauchant une plaque qui semble sérieusement envisager de compléter le potentiel d’escalade en bloc dans la jungle. Il rejoint ainsi une fissure oblique, parfois bouché. Sous le jardin marquant le relais, il doit s’engager à droite de la fissure pour franchir un mur raide et exposé. Cette longueur en 5c est à nouveau très élégante.

Plusieurs possibilités se dressent devant nous. Je choisis de partir tout droit dans un court mur raide (6a, très beau !), et traverse ensuite vers la gauche pour rejoindre un petit jardin confortable.

La dalle exposée de la quatrième longueur

La dalle exposée de la quatrième longueur

La sixième longueur peut éventuellement se simplifier, mais Timothée choisit de partir tout droit dans une belle dalle puis remonte une cheminée légèrement à droite du relais. Un crochet en dalle permet de franchir ce dernier mur (6a).

La septième longueur est la plus exotique. Le rocher est de moins en moins présent, remplacé par une végétation à la fois dense et fragile. En effet, de nombreuses plantes carnivores ont élu domicile sur les pentes sommitales de la tour. Evoluer dans les jungles sommitales est un combat permanent. Cette escalade est souvent dangereuse, et il faut sacrément forcer pour franchir certaines barrières naturelles. N’étant pas encore un grand expert d’escalade équatoriale, je cote cette longueur J1, soit Jungle 1. Cette cotation semble avoir été inventée au Venezuela. Le J4 correspondrait à une longueur de 6c recouverte de plantes peu solides mais difficiles à franchir, dans laquelle l’emploi de la machette est indispensable et où des attaques de petits animaux sont à prévoir.

Au sommet!!

Au sommet!!

Nous rejoignons alors le sommet, où nous prenons un repos très mérité. Tam change les piles de la lampe solaire qui siège au sommet, et l’allume. Ainsi, pendant trois mois toutes les nuits une petite lumière clignotante veille sur le village de Mukut.

Tam, dans la descente

Tam, dans la descente

La descente est évidente en rappels dans « Polish Princess ».

Au relais de Polish Princess, face à la tour nord

Au relais de Polish Princess, face à la tour nord

Cette voie est baptisée « Freebird », en hommage à la très belle musique de Lynyrd Skynyrd. Celle-ci est en style très classique, propre et sans zones végétales, ce qui est une chance pour une escalade dans la jungle. Nous ne pensions pas que l’escalade serait aussi belle et abordable, en revanche nous n’avons pas anticipé non plus son exposition quasi constante. Nous assumons son style et souhaitons qu’elle ne soit pas réequipée.

Le topo papier

Le topo papier

Le topo de la voie

Le topo de la voie

1ière ascension : Timothée Guillon, Nicolas Gay, accompagnés par Apull et Tam.

Difficulté : TD ; 6a, IV. 250 mètres. La voie est engagée, une réchappe après le troisième relais serait au mieux délicate… La voie n’est pas visible du village et les grimpeurs ne peuvent compter que sur eux.

Matériel : Deux jeux de friends et un numéro 4, câblés, nombreuses sangles. Nous avions le marteau et des pitons mais nous n’en avons pas employé. Éventuellement un tamponnoir et deux goujons ? Le troisième relais, bien qu’assez inquiétant est tout de même actuellement très solide (deux petits arbres, renforçable).

Voici une vidéo récente d’une équipe accompagnés d’un très jeune local parcourant la voie :

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