Bagus tower constitue le prolongement ouest de la tour nord. Invisible de Mukut celle-ci est toutefois fort élégante et ne semble pas présenter de loin des lignes de faiblesse évidentes. A notre arrivée à Tioman, aucune tentative n’avait été faite sur sa belle face sud, alors vierge. De plus, aucun chemin ne s’en approchait et il fallait tout tailler à la machette. Il y avait là suffisamment d’arguments pour nous motiver !
Avec Timothée, nous rêvions d’une approche à tailler entièrement, dans une jungle profonde et épaisse. C’est ce qui nous a poussés à regarder ailleurs que les deux tours principales. Nous n’avions cependant pas repéré de ligne évidente qui puisse passer sans poser de goujons et l’accès promettait d’être complexe. De plus, un socle fragmenté compliquait tout repérage…
C’est avec Apull que nous attaquons le chemin à la machette, dans du terrain peu raide. Bien que la tour ne soit pas si éloignée de la plage, un kilomètre et demi tout au plus, tracer notre chemin nous aura pris beaucoup de temps. Dans certains cas, une demi-heure est nécessaire pour évoluer de 10 mètres. Nous restons motivés car cela est tout de même assez ludique. Y progresser est tout de même épuisant et les obstacles ne manquent pas. Nous dérangeons un nid de fourmis géantes, et je me fais mordre par l’une d’entre elle. La douleur est impressionnante, nous ne pensions pas que de si petits animaux puissent être aussi féroces. Deux petites coulées sanglantes me rassurent presque : les « dégâts » sont visibles et mes deux compagnons comprennent alors pourquoi je me suis soudainement mis à crier en faisant de grands gestes paniqués.
Plus loin, je tente de couper un arbre me barrant le passage. Ce dernier, à priori vexé par mon manque de respect, décide de se suicider en me tombant sur la tête, et m’assommant ainsi. En y ajoutant les nombreuses égratignures causées par les arbres à rotin, qui sont des plantes proches de la palme mais armées de millions d’aiguilles, la journée commence à être fatigante. Heureusement, nous finissons par arriver au pied d’une paroi noire, que nous identifions comme le socle.
Nous redescendons alors, en améliorant notre chemin déjà bien marqué. Après tous nos aller-retour, celui-ci a fini par être parfaitement marqué et simple à suivre. Apull a même bricolé une corde fixe en liane pour faciliter un court passage. Attention, la solidité de ce genre d’équipement est de trois semaines maximum car ensuite la liane se dégrade.
Nous revenons le lendemain, chargés de tout notre matériel. Nous profitons de cette montée pour explorer le socle. Nous n’empruntons pas tout de suite le départ imaginé, mais une rampe située un peu plus haut et très facile. Nous remontons ce socle par ses lignes de faiblesses jusqu’à arriver à un immense jardin suspendu. Nous nous sommes donc trompés car celui-ci n’apparaissait pas sur nos photos. Tant pis, une traversée à gauche dans cette jungle nous permet de rejoindre la fin du socle, que nous franchissons alors grâce à un belle traversée en dalle facile. Nous arrivons alors au pied du mur sommital. Nous grimpons une dernière longueur, majeure et facile dans du rocher noir. Nous redescendons en laissant en place l’ensemble de nos cordes.
Deux jours après, la tour jusque-là boudée des grimpeurs voit revenir un trio hésitant. Aucune ligne évidente ne continue au-dessus notre point le plus haut, et c’est relativement inquiet que je remonte les cordes fixes. Timothée commence en enchaînant une belle fissure pas facile, dans laquelle est posée une énorme écaille à priori très instable. Je tomberai en second dans ce passage, et aussi je remercie à nouveau Tim d’avoir anticipé la protection de ses chers seconds en sécurisant la traversée à venir. Le relais se fait dans un petit jardin.
Je continue droit au-dessus dans du terrain facile mais très peu protégeable, jusqu’à une rampe oblique pourvue d’arbres massifs. Nous la remontons une vingtaine de mètres, jusqu’à une belle dalle qu’Apull affronte remarquablement. Le relais se fait sur un petit jardin suspendu.
La dernière longueur traverse à gauche de ce jardin, remonte un petit ressaut puis monte dans une jungle très difficile, raide et composées de plantes trop fragiles pour constituer des ancrages fiables. Un passage très engagé…
Nous arrivons au sommet de la tour, d’où la vue est magnifique et très différente de celles des autres secteurs.
Après une pause agréable, nous redescendons en rappels d’abord dans la voie (deux rappels jusqu’à la rampe), puis droit dans la face, en utilisant les arbres. On rejoint un petit jardin suspendu puis un grand rappel nous pose au pied du mur sommital. Attention, ces rappels peuvent vite devenir galères, et des cordes de 60 mètres sont fortement recommandées. On rejoint alors aisément l’itinéraire de montée que l’on redescend en rappels.
Quelques jours plus tard, nous revenons avec Tam créer un départ plus direct, baptisé « Hippies Toniques ». Celui-ci démarre plus bas à gauche (indiqué). On grimpe d’abord un arbre (sangle visible) pour ensuite franchir une superbe dalle compacte et facile (un goujon, le seul de toutes nos voies !). La seconde longueur remonte un dièdre évident, majeur. Cette variante est vivement recommandée !!
Cette voie n’est pas la plus belle de Tioman Island, même si certaines longueurs sont très jolies. La tour possède un rocher magnifique, et cette voie est la porte d’entrée de cette superbe tour. Il reste de la place… et désormais le chemin existe !
1ière ascension: Timothée Guillon, Apull Shaiful Amin, Nicolas Gay le 23 octobre 2015.
Difficulté: TD-; IV; 6a+; 300 mètres.
Matériel: Classique terrain d’aventure, doubler les friends moyens.Marteaux et peut être deux goujons et tamponnoir utiles en cas de coup dur dans la descente!
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