
Les rochers des deux frères – absurdes finalement pour l’escalade
Ce fut lors d’une belle session de surf à Fabregas que j’avais remarqué au loin ces deux aiguilles isolées au large de la côte. J’avais toujours rêvé de grimper une aiguille dans la mer, ces fameuses « seastacks » tant convoitées par les grimpeurs britanniques, dans lesquelles l’approche est souvent la partie la plus complexe de l’aventure. En France, il en existe peu, ou sont interdites, comme à Étretat. Si belle soit elle, l’aiguille de l’Eissadon est malheureusement rattachée à la calanque et ne peut être considérée comme telle car l’on peut y accéder en marchant. Plusieurs années plus tard, c’est avec Noémie, ma compagne, que nous décidons de tenter l’ascension. Nous achetons sur un coup de tête un kayak gonflable, et après de multiples péripéties, donc la descente d’un vrai couloir effondré et la traversée d’une forêt dense sous le parking, avec le kayak gonflé et des sacs à dos lourds, pour nous rendre compte au pied des aiguilles en ramant moins que l’on se chamaille que la houle est trop forte pour débarquer. Nous repérons toutefois une ligne pour revenir le lendemain.
La légende raconte que deux frères ayant secouru une sirène blessée se sont ensuite entretués par amour de la sirène (il est toujours étonnant de tomber amoureux d’un individu d’une autre espèce mais passons). La créature, touchée par ces deux hommes probablement un peu idiots, demanda à Poséidon de leur laisser un souvenir hommage. Il place donc ces deux cailloux dans l’eau. Une autre version raconte que ce sont deux frères car il ont la même mer, ce qui en soit est plus crédible. Je ne sais pas comment ces aiguilles se sont réellement formées mais derrière cette légende pourrie restent ces deux rochers, auparavant appelés rochers de Freirets, dont la composition n’est guère meilleure. Mais en y retournant une seconde fois, nous ne le savions pas encore…

Dans la « voie »
Le lendemain, forts de nos âneries de la veille, nous lisons le mode d’emploi du kayak et arrivons à un résultat fini nettement plus satisfaisant. De plus, nous partons d’une vraie plage accessible du parking ce qui nous évitera une belle galère dans les pierriers de la plage naturiste, aventure trop chargée qui a bien du amuser ceux qui ne s’étaient pas même encombrés d’un maillot (alors que dire des friends, pitons, cordes, gilets, etc… Nous faisant passer pour des êtres plus vêtus encore que des cosmonautes). Le kayak bien gonflé, avec cette fois-ci des dérives remplaçant une houle heureusement bien diminuée, nous pouvons alors accoster. Après un lourd débarquement sous l’œil interrogateur de deux plongeurs, nous réalisons que le rocher est très fragile en surface et les fissures bouchées. Tant pis, nous allons tout de même mettre un essai. Je pars en tête et c’est après avoir posé exactement zéro protection dans ce terrain peu difficile mais très délité et parsemé de blocs en équilibre que Noémie me crie « bout de corde ! ». Flûte ! Après un bref point, Noémie ne semble pas enthousiaste à l’idée de faire du solo côte à côte dans ce cairn (cairn de presque 40 mètres de haut), je continue seul et prudemment. Ce n’est pas terrible mais je parviens au sommet, d’où j’aperçois notre kayak gonflable frotter les rochers. Un gilet de sauvetage pour deux risque d’être léger pour le kilomètre de nage qu’une crevaison imposerait mais c’est mon problème du futur, je dois d’abord redescendre (un saut du sommet ne serait pas une bonne mise en jambes pour ensuite rentrer en nageant). J’envisage de descendre par ce que nous avions identifié être la voie normale, une pente facile avec, presque au raz de l’eau, une plaque.

Prendre un maximum de matériel pour ne rien placer !
Finalement je redescends par mon itinéraire de montée, sans avoir fait grimper Noémie, occupée alors à préserver notre fragile embarcation, qui a heureusement bien tenu le choc ! C’est donc sans tenter le sommet sud, moins haut, que nous quittons cette belle aiguille maritime, belle tant qu’on n’a pas à l’escalader… En se promettant de ne pas revenir pour le petit frère.
1iere ascension : totalement inconnue. Étais je le premier à passer par là ?
En 1988, un ancien commando a officiellement battu le record du monde de « camping aérien », en passant 61 jours suspendu entre les deux sommets. En fait, le fait que deux grimpeurs aient passé 65 jours dans la face raide du Najanro de Bulnes en plein hiver pour ouvrir une voie mythique ridiculise un peu ses 61 jours à glander mais on peut trouver un article au sujet de ce curieux exploit.
Difficulté : IV max, 35 mètres par l’itinéraire que j’ai choisi.
Matériel : d’abord un bateau ou un truc du genre.

Content de mes bêtises !
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