Au pays des montagnes en centre ville, l’Aiguille du Peigne est le premier sommet accessible du massif du Mont Blanc : le téléphérique nous dépose au pied, et l’on ne marchera pas même une heure pour rejoindre ce beau pic élancé, protégé de parois complexes mais atteignant tout de même parfois les 600 mètres. De nombreux itinéraires s’arrêtent ou ne démarrent qu’à partir de vires, remontent des éperons qui disparaissent d’eux mêmes, se descendent en rappels, sont équipés (très large !) en dalle, alors que quelques mètres à coté ont été tracées des lignes bien plus alpines. Cette montagne, finalement plus complexe que pourraient laisser supposer les apparences, est simplement exceptionnelle, de part la variété et la qualité des itinéraires que l’on y trouve. Et que dire de son satellite immédiat, le Gendarme Rouge 3078, visible uniquement depuis l’ouest de Chamonix ?
Ce sommet secondaire est aujourd’hui très fréquenté grâce à ses voies Piola modernes, qui ont comme réputation d’être incontournables. La plus classique est sans doute « le maillon manquant », mais toutes semblent à faire. Ces itinéraires ont d’abord été mal reçus, car ils ôtaient une partie de l’engagement de la face, et dans la dernière précitée, il y avait carrément un goujon de plus sur un relais d’une voie historique – qui a vite été viré, rassurez vous, rendons Chamonix à la nature ! Mais en proposant des lignes de rappels – pas si commodes en fait, l’engagement n’est pas si réduit, si ce n’est que le sac est plus léger – cela a renouvelé l’attractivité des voies historiques, et, sans s’interférer, toutes sont à faire !
La Contamine/Labrunie/Vaucher est, comme nous le disions, une voie historique. Ce qui veut dire que l’on a une nouvelle preuve de notre progression finalement mitigée en soixante ans d’escalade : 90% des grimpeurs de 7a en salle que je connais ne bougeraient même pas dans certains V+… et je n’en rajoute pas ! De plus, la voie a (heureusement !) été déséquipée, fini donc les pitons rouillés peu fiables, on se protège intelligemment et facilement sur coinceurs. L’itinéraire est logique, beau, et de plus en plus soutenu. En soit, cette voie est une véritable leçon d’ouverture !
Par ailleurs, l’escalade y est vraiment intéressante, et ce de bas en haut. Il s’agira majoritairement de fissures dites « extérieures » (on y coince éventuellement des bouts de main, mais l’on ne rentre pas dedans). En revanche, le passage le plus délicat est un laminoir digne des horreurs que l’on peut retrouver dans des spots comme le Yosemite (sauf qu’il y perdrait encore une cotation… une lettre, pas un chiffre ! Avis aux grimpeurs de plastique…). Lisse, malcommode, on ne peut pas vraiment tomber, mais évoluer vers le haut est terriblement compliqué sans technique. Parfois, l’on fait douze mouvements pour se retrouver un peu plus bas qu’au point de départ… On appelle cela également des fissures Chamoniardes, style que l’on maîtrise depuis plus d’un siècle, style pour lequel la cotation restera toujours ridicule, style que l’on n’arrivera jamais à maitriser, malgré un entrainement solide, malgré des voyages autour du monde, malgré un gout prononcé pour ces fissures… Mais que le grimpeur peu sur se rassure, c’est peut être le seul passage équipé (sur-équipé même) de la voie… Le surplomb ensuite en 6a ne devrait être qu’une formalité.
Malgré la proximité du téléphérique, on reste ici en haute montagne. Il ne faudra pas sous-estimer l’engagement, notamment météo, car ce secteur est un paratonnerre formidable. Le rocher ferreux du Peigne est un très bon conducteur électrique, il serait dommage de replacer la maillon manquant dans la voie voisine par un maillon de court-circuit… Également, il faudra être vigilent dans la descente : dans ces faces truffées de fissures variées et d’écailles, on a très, très vite fait de coincer un rappel…. Comme quoi la descente à pied n’était peut être pas bien plus engagée?! Il conviendra de réfléchir à chaque fois que l’on tirera sur la corde… Il s’agit personnellement de mon record de rappels qui ont au moins un peu foiré !
Ayant fait cette voie il y a très longtemps, seule me reste l’émotion, les souvenirs de grimpe, les dalles de départ, ce névé à la con (prenez des crampons !), le laminoir, l’orage au loin, les rappels. Il m’est impossible de faire un topo correct sans un minimum de plagiat, et pour cette raison je me permets ce vous orienter vers le dernier publié en date, produit par Louis Laurent, Julien Désécures, François Damilano, en 2017. Très bien fait, précis, agréable à feuilleter, je n’y ai vu aucune erreur, malgré une lecture des plus approfondies !

La face nord de l’Aiguille
1ière ascension : André Contamine, Pierre Labrunie et Michel Vaucher le 12 aout 1957
Difficulté : TD; 6a; III; 400 mètres
Matériel : Jeu de friends complet, câblés, sangles, matériel de grande voie équipée
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