Plus qu’une autre, cette voie de l’Envers des Aiguilles me faisait rêver ! Jeune, j’ai débuté l’escalade et l’alpinisme en me basant sur le livre « Alpinisme des premiers pas aux grandes courses », publié par des professeurs de l’ENSA. Dedans, les photos prises de façon aérienne, me laissant penser à une paroi des plus raides, uniquement parcourue de fines fissures… J’avais imaginé que je n’aurai jamais le niveau de faire un jour cette voie ! Pourtant, elle est l’une des plus faciles du coin ! Et loin d’être la moins belle, par ailleurs… Mais les photos étaient trompeuses, la paroi n’est en fait pas si raide !

Il s’agit là d’une pure voie « Piola », dans le style qui aura fait sa célébrité, même si cela est finalement réducteur ! Le Suisse aura ouvert dans sa vie plusieurs milliers de voies, et ce partout autour du monde, du Groenland à l’Antarctique, en passant par plusieurs pays d’Afrique ou même la Patagonie. On lui doit des voies faciles sur-équipées, des bigs walls d’artif extrêmes, dans la vallée de l’Arve même comme dans la face Nord de l’Eiger, des voies aventureuses, ou encore clé en main. Mais ce seront sur ces voies de l’envers que l’on décidera d’y bloquer son style (espérons que l’on ne limite pas Cambon aux dernières bouses d’Ailefroide ou les frères Remy à Kalymnos !).

Cette voie est ceci-dit un peu plus dalleuse que les autres classiques du coin. Cela veut dire pour moi « extrêmement difficile pour la cotation annoncée », et, en ce qui me concerne, je n’ai pas tort. Les fissures sont à Chamonix souvent côtées avec une gentillesse que je sais toujours apprécier. En revanche, les dalles sont pour moi d’un autre acabit : il faut grimper entre les points, et c’est dur à partir du 6a ! C’est d’ailleurs dans ces passages que sont nés la notion de « cotation obligatoire » (hé oui, lorsque l’on met un friend béton par mètre l’on peut vite faussement se sentir incroyablement fort), rejoindre le point d’après via des adhérences minables et compter les centimètres qui nous séparent du prochain point n’est pas si simple, bien que du relais tous ces passages semblent couchés…

De part son profil en dalle, il s’agit donc de l’une des voies les plus équipées du coin. Cela veut donc dire pour moi qu’elle est plus dure à cotation égale par rapport à d’autres voies, mais chacun son style. Mais elle est donc nettement plus équipée que d’autres, mais il ne faudra pas s’imaginer qu’elle est plus simple pour autant ! Je vous recommande vivement la sortie au sommet (ce qui rajoute un vrai côté aventure – l’aventure ne se limite pas à coincer dans des fissures parfaites !), la descente sera un peu plus délicate, mais l’accès et le retour sont tellement courts que l’on peut se permettre de prendre un peu de temps pour juste ne pas consommer une grande voie ne sortant nulle part, en haute montagne…

1ière ascension : Gérard Hopfgartner Michel Piola les 19 et 20 juillet 983

Difficulté : TD+; 6a+, 6a obligatoire; 280 mètres jusqu’à la dernière chaine, 320 mètres jusqu’au sommet

Matériel ; Friends (jeu complet, éventuellement doubler les tailles du 0,5 au 1), câblés, sangles, matériel grande voie sportive

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