La Dent du Géant est un sommet mythique du massif du Mont Blanc. Dépassant la barre des 4000 mètres, ce fier monolithe domine la Vallée Blanche, telle une sentinelle. Vue des Aiguilles Rouges, cette aiguille attire immanquablement l’œil, et il s’agit sans aucun doute des plus beaux sommets de la chaîne, à l’histoire tourmentée. Sa conquête fut épique et mémorable, et la montagne en garde aujourd’hui malheureusement toujours les stigmates. Les meilleurs alpinistes de l’époque s’y sont essayés, et le grand Mummery aurait décrété son ascension impossible avec des moyens légitimes (« absolutely inaccessible by fair main » – alors clamé et même inscrit par ce cher Albert), à l’image des Drus. Avait il raison? Pour son temps, l’histoire lui a donné raison. Bien que certains passages alors extrêmes avaient déjà été gravis (comme les plaques Burgener, par Alexander, le grimpeur du même nom, compagnon de Mummery), certains ont pris Mummery au mot et n’ont du coup pas hésité à employer des moyens plus que douteux pour venir à bout de ce sommet…
La première presque ascension (de la pointe Sella, 4009m, le sommet secondaire – elle fut contournée, pour la laisser vierge pour les clients le lendemain…) de ce sommet revient à des bricoleurs alpins (Jean Joseph, Baptiste et Daniel Maquignaz), qui ont taillé des marches, prises, et posé des cordes fixes pendant trois jours pour atteindre ensuite avec des clients la même pointe secondaire, le lendemain, le 28 juillet 1882. Une autre époque, nous pouvons comprendre aujourd’hui cette soif d’exploration! Quelques jours plus tard, Alphonse Payot, Auguste Cupelin et leur client William Woodman Graham gravirent par le même itinéraire artificiel le vrai sommet, la pointe Graham, qui n’a rien de plus dur que la pointe Sella et ne prend que 10 minutes de plus à gravir, effort que peu de cordées font, et évitant ainsi la célèbre vierge sommitale…

La Dent du géant – Sur le pilier gauche (SO) se déroule la voie normale. On distingue parfaitement la face sud, surplombante
Nous pouvons aujourd’hui, suite à cette conquête riche en anecdotes, regretter deux choses : les noms des sommets ont été « achetés », et les erreurs du passé ont été trop régulièrement entretenues. En effet, un nom de sommet (Sella) ne devrait pas être attribué à des non grimpeurs qui paient au préalable pour que des guides aménagent, taillent et sécurisent un itinéraire à 99.9% pour en faire une soit disant première. Ensuite, ces aménagements n’auraient jamais, jamais dû être renouvelés. Certes, cela permet à de nombreux grimpeurs en herbe (ou même costauds, la beauté de l’aiguille et l’altitude magique des 4000 dépassée encourage beaucoup de monde!) d’atteindre ce magnifique sommet. Mais est ce que l’alpinisme consiste à se dépasser pour atteindre des sommets, ou à aménager des sommets pour les atteindre sans se fouler? En 2018 ces cordes fixes sont toujours régulièrement entretenues dans ce qui est devenu la voie normale, mais cela ne la sécurise pas non plus. Au contraire, la Dent du Géant, avec ses alpinistes débutants, son accès dangereux et malgré tout sa simplicité d’accès est devenue un point noir du massif, comme le couloir du gouter au mont blanc. Désormais, on y fais la queue, on reçoit les cailloux des autres cordées, alors que le niveau ne dépasse pas le IV. Pourquoi continuer à garder ces cordes fixes? La réponse est simple, pour faire vivre les guides Italiens. Personnellement, j’y suis allé deux fois, et j’y ai vu deux secours héliportés.
Heureusement, d’autres voies se sont ouvertes sur cette incroyable montagne. Une variante à la voie normale, plus costaude, est très intéressante : Géant Branché. Encore à droite, la face sud, plus ou moins déversante, fut un temps une référence. Le pilier Sud Est, puis la face Est, possèdent chacun une voie confidentielle, à l’équipement solide mais disparate. Enfin, nous avons, ouverte dès le 20 juillet 1900, une superbe voie ouverte sur l’arête Nord. Contournant la face Nord par le bas d’ouest en est et remontant une rampe (en face Nord) jusqu’à l’arête Nord, Thomas Maischberger, Hainrich Pfannl et Franz Zimmer ouvrirent une superbe voie, sans planter un seul piton. Plus tard, l’arête Nord intégrale fut ouverte Par Enrico Rey et Franco Salluard (je pense que le rocher dans le socle est moyen), puis la face nord elle même fut ouverte en solo en 1964, en hiver, par Cosimo Zappeli (y aurait il eu une ascension avant? Les informations sont très difficiles à trouver mais pour une première en face Nord d’un plus de 4000 cette date parait bien tardive…). Une voie existe également en face Nord Est, peu identifiable… Enfin, la partie inférieure de la face Nord a été ouverte en hiver, selon un tracé très proche de l’arête Nord originelle, cela s’appelle « coeur de géant ».
L’arête Nord est probablement la plus belle façon d’atteindre ce sommet à l’histoire chargée. Bien que le niveau général soit, sur le papier, aisé (on ne dépasse pas le 5c, et il s’agit d’une variante), il s’agit d’une autre aventure que la voie normale. L’accès est nettement plus compliqué : on pourrait presque dire que l’approche démarre lorsque l’on grimpe enfin le début de la voie normale, à la salle à manger (nom donné au replat sous l’attaque de la voie normale). D’ici, on remonte jusqu’au pied du pilier SE, puis on tire un grand rappel. Nous continuons ainsi à descendre au mieux en longeant la fameuse dent au plus proche vers le bas (terrain pourri) jusqu’à trouver au but d’un cheminement logique en descendant le seul couloir praticable un rappel de 30 mètres (ne pas descendre trop bas). On longe ensuite une vire vers la gauche menant (enfin) à du vrai rocher.
Ensuite, ce n’est que du plaisir, garanti par beau temps. Cet itinéraire aérien, plus en face Nord que sur l’arête même, se déroule en rocher excellent, et les longueurs sont faciles et protégeables. Il s’agit réellement d’une sortie « montagne », durant laquelle l’approche et le retour comptent plus que la grimpe, si belle soit elle. En revanche, sur cette belle arête facile, vous « risquez » bien d’être seuls. On grimpe sans topo, en suivant les lignes logiques du rocher, mais on sera malgré tout déçu de trouver des relais chaînés. Ceux ci n’ont aucun intérêt, car descendre en rappel dans cette voie serait aussi crétin que de tenter de sauter en BASE Jump la face Nord. Une petite variante finale (5c) nous permet de rejoindre le vrai sommet, où nous trouvons la vierge foudroyée, et trouée à la tête. Un sommet déconseillé par temps orageux !
On retrouve ensuite les différents alpinistes au col entre les deux pointes, et c’est parti pour la courte descente en rappel jusqu’à trouver la salle à manger. Et commence alors pour de nombreux retardataires la longue « course contre la montre » pour ne pas louper la dernière descente en télécabine vers la vallée…
1ière ascension : Thomas Maischberger, Hainrich Pfannl et Franz Zimmer le 20 juillet 1900, sans planter un piton et en longeant la face Nord par le bas, remontant ensuite un couloir pour trouver la même attaque qu’aujourd’hui
Difficulté : D+; Ensemble de IV+/V, une variante directe en dernière longueur en 5c/6a. 280 mètres pour la voie, accès compliqué
Matériel : Alpinisme neigeux et caillouteux, un jeu de friends, un jeu de câblés, sangles
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