vertical pirate

Moniteur d'escalade Calanques, Sainte Victoire et provence, pour l'abordage des falaises et autres aventures verticales ! En méditerranée et au delà …

Bwana Maline

Ma 1ere grande voie

Après 2 mois de confinement à cause du COVID 19, c’est avec enthousiasme et empressement que je me remets à l’escalade. Je suis plus que bien accompagnée par Nico pour cette reprise !

« Excitation » c’est le sentiment qui me domine avant de faire ma 1ère grande voie « BWANA MALINE » au Moyen Eycharme. Mais il y a une particularité qui semble fréquente dans les gorges du Verdon… il faut descendre avant de grimper ! En y réfléchissant un peu ça me met grave la pression… Et si je n’arrive pas à remonter ?! On fait quoi !? Le doute s’installe… Cette voie est juste de mon niveau en couenne, ni plus, ni moins, dans le 5. Ça m’aurait rassuré que la difficulté soit moindre mais BWANA MALINE rassemble beaucoup de critères qu’on cherchait : approche rapide car orage prévu en milieu d’après-midi, donc une voie pas trop longue non plus, puis pas trop visible des airs avec des voies de couenne pas loin (déconfinement progressif donc GV interdite !). Alors je me dis que ça va le faire et j’ai toute confiance en Nico.

Fin de matinée, c’est parti on attaque la marche d’approche qui est comme prévue facile et rapide. On fait la chasse aux cairns, j’aime bien, c’est un terrain agréable. En 10 ou 15 minutes on y est, là, au bord de cette magnifique falaise qui plonge dans les gorges. Quand j’aperçois son bord l’excitation laisse place au stress et à un peu d’anxiété, mes appréhensions sont au sommet !

Noémie en rappel

Nico prépare tout le matériel pendant que je plane complet !!! j’ai beaucoup de mal à me concentrer mais je me force à être attentive car une fois qu’il sera en bas du rocher, ça sera trop tard pour les explications ! On revoit rapidement comment descendre en rappel, il s’installe au départ du rappel, je m’approche pour qu’il m’équipe avec mon descendeur et mon autobloquant, dernières consignes puis il entame sa descente. Jusqu’à là tout va bien ! Puis il m’annonce que c’est à mon tour… OK, je souffle, me mets en position, me dévache puis faut y aller… Oui faudrait y aller mais ça bloque !!! Merde !!! Je panique un peu, même beaucoup… mais je me reprends vite, j’alerte Nico que ça ne descend pas, il me guide d’en bas (pas facile !!), je bouge mon autobloquant dans tous les sens et puis finalement c’est parti, ça glisse ! Oufff … soulagement ! Je marche à reculons sur la paroi, tranquillement, faudrait pas s’épuiser à stresser maintenant, puis je vois que plus bas c’est un dévers donc je comprends que mes pieds ne vont plus toucher ce gros caillou qui me rassure et que je vais être livré au vide, suspendue à un fil !

OK, ça se passe comme prévu jusqu’à ce que la corde me fasse tourner sur moi-même et que je me retrouve dos à la falaise et face aux gorges qui paraissent si basses, profondes et lointaines !!! Je stoppe ma descente car je suis quasiment tétanisée. En quelques secondes je me ressaisie, je respire profondément, je savoure le panorama puis je reprends ma descente jusqu’au sol cette fois.

Je suis soulagée de retrouver Nico, mais bon c’est que le début, on est en bas, maintenant place aux choses sérieuses… La grimpe !

Noémie en dalle

Là encore Nico gère l’équipement. Je suis plus détendue on attaque sur un 5b+, j’assure Nico qui grimpe en tête les 4 longueurs de cette voie. Assurer, grimper, je sais faire donc ça devrait aller, je suis plutôt sereine.

La 1ère longueur se passe bien, je me sens à l’aise, ça n’est pas facile mais pas de frayeur, les prises sont des « gouttes d’eau » bonnes et faciles à trouver. Je suis rassurée d’arriver au 1er relai que je trouve peu confortable, mais je n’ai pas encore vu les autres !!! Mes pieds me font déjà souffrir mais je ne veux pas retirer mes chaussons car j’ai trop peur de les perdre, ça serait juste un peu contraignant…

Après une courte pause, on enchaine sur un passage en 5a, plus cool, je suis contente de quitter ce relai, je vérifie plusieurs fois de bien récupérer tout le matériel que Nico a mis en place. Je prends encore plus de plaisir car ce passage est vraiment sympa, ça fait une petite traversée vers la droite (que je prends un peu trop haute) et je rejoins plutôt facilement le 2e relai, qui est pire que le 1er niveau confort. Je préfère rester debout en retirant mes chaussons pour soulager mes pieds l’un après l’autre. Je découvre les joies de la GV ! Surtout mes pieds !!!

Du beau cailloux Verdon

On boit un coup (d’eau bien sûr !!!) puis c’est parti pour la 3e longueur en 5b+. Quand Nico grimpe ça n’a pas l’air bien dur, j’observe la précision avec laquelle il place ses pieds (malgré l’attaque d’épines d’oursins qu’il a subi quelques jours avant !!!), ça passe tout seul puis il rejoint le 3e relai sous un toit. Il me rassure encore tout au long de sa progression en me disant que ça n’est pas plus difficile que la 1ère longueur. A mon tour, je me lance sereine mais en fait ce n’est pas si simple que ça en avait l’air… Je ne sais pas où mettre mes pieds !! La pression est là et elle monte, je me la mets toute seule car j’ai peur de pas être à la hauteur, je doute… Je croise un petit arbre que Nico me dit de saisir, je galère un moment pour sortir de ce passage. Je commence à entamer mes réserves d’énergie… Mais j’arrive à rejoindre le relai avec ce toit imposant juste au-dessus, là où on devine le départ du 6b. On voit le dernier passage en 5b qui se dessine sur notre gauche, il faut traverser pour contourner le toit mais le vide qu’il y a sous les pieds est assez impressionnant. Je vois Nico partir et il disparait vite de mon champs de vision pour atteindre le relai final.

Dans le haut de la voie

Allez, c’est parti pour la dernière longueur, je m’épuise au niveau d’une petite colonnette que je tiens hyper mal j’imagine ! Je suis obligée de demander à Nico de me prendre avant que je lâche cette prise. Ça me permet de passer ce pas que j’ai du mal à franchir, et j’essaie de récupérer de l’énergie mais peine perdue. Je repars, j’entends Nico me demander s’il peut prendre des photos mais je lui dis que je suis à bout. Je n’arrive même plus à réfléchir. Trop d’émotions, je suis épuisée, je bourrine pour finir cette voie, je donne tout ce que j’ai pour sortir… encore une fois un gentil arbre m’aide à passer, et voilà c’est fini, j’ai retrouvé Nico en haut, c’est fait !! 1ère grande voie (officiellement d’une

longueur puisqu’il n’y a que ça d’autorisé à ce moment-là 😉 ), on sort juste à temps pour voir l’orage arriver lentement vers nous, mais il nous laisse le temps de ranger les affaires et de rentrer au camion sans précipitation.

Quel bonheur !!! J’en ai pris plein les yeux et plein le cœur !! Heureusement que j’étais avec Nico en qui j’ai une totale confiance, c’est très reposant savoir qu’on peut s’appuyer sur l’autre. Aucun moment de réelle panique. Quel plaisir de se dépasser et de repousser ses limites tout en sécurité. Avec le recul je regrette juste de ne pas avoir pris plus le temps d’observer la nature autour de moi, mais l’adrénaline ne m’a pas permis ce luxe que je saurai m’offrir la prochaine fois. Quelle fabuleuse expérience !!!

Merci Nico de m’avoir permis de réaliser ce rêve qui ouvre la voie à tant d’autres. J’ai qu’une seule hâte … Recommencer !

« Atteindre un sommet nécessite parfois de sortir de sa zone de confort. Mais c’est ça que l’on cherche là-haut, se sentir vivant et s’élever. »

1ière ascension : O. Dobel-Ober, J.-J. Lombardi en 1994

Difficulté : D; 5c; 60 mètres

Matériel : Grande voie équipée

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