Le pilier sud est du pic de Bure est l’une des lignes les plus impressionnantes que je connaisse. Du lac de Pelleautier apparaît son plus beau profil: raide, élancé et aérien, on doute que l’on puisse gravir cette ligne. D’autant plus que le rocher du Dévoluy a très mauvaise réputation…
L’itinéraire est en fait très logique, et sait utiliser les faiblesses d’une paroi apparemment compacte, avec de nombreuses traversées. Cependant, malgré des cotations abordables pour de nombreux grimpeurs, l’engagement est important car la retraite est vite délicate (un point de non retour est rencontré dès le début), le rocher parfois mauvais et l’itinéraire se perd assez vite dans le haut. Il s’agit donc d’un itinéraire réservé aux grimpeurs tout terrain.
Comme pour la voie « Natilik » au pic de Ceuse, cette voie sort de mes prérogatives d’encadrement. Je me permets cette seconde exception en vous la présentant, car cette voie fut pour moi un rêve étalé sur deux ans.
L’escalade est en soit loin d’être exceptionnelle, les beaux passages sont même plutôt rares. Cette voie vaut surtout pour son ampleur et son engagement, sa ligne vertigineuse et l’histoire de l’escalade. Un pilier raide de 600 mètres, ce n’est pas courant!
L’approche depuis le pas du Follet est la plus classique, et, même si elle est un peu pénible sur la fin, permet d’approcher le pilier en le voyant grandir: tout le long, on constate à quel point il est énorme et beau.
Le début de la voie suit un dièdre évident, d’abord facile en 5a puis en artif A0 ou 7a (?) à travers un petit surplomb physique, traversant vers la gauche. Une longueur de transition en 4c, et on arrive au crux en libre: un 6b vertical, semi équipé de pitons, puis une grande traversée horizontale à droite coupant la retraite. On suit ensuite une grande rampe évidente et caractéristique de loin, que l’on quitte avant la fin pour un joli dièdre (pitons). Deux longueurs (3 et 5) nous amène à une rampe en 4c obliquant désormais à droite (attention à ne pas continuer tout droit après celle ci).
A ce niveau là l’itinéraire devient assez paumatoire : plusieurs variantes semblent pouvoir passer (présence de pitons un peu partout). Une succession de gradins et murs plus raides, le tout en rocher parfois délicat, nous pose sur une terrasse inclinée assez large. Ici l’erreur classique est de gravir la cheminée de gauche (6a+ assez expo, variante présentée dans le livre de S. Bodet et A. Petit) : il semblerait que cela passe en 5b par une rampe à droite (bien visible mais rocher d’aspect moyen).
La fin de l’itinéraire rejoint le fil du pilier, assez facile mais en rochers brisés (4b).
La descente peut s’effectuer par la combe de Bure, assez délicate dans ce cas, mais rapide et repassant proche du pied de la voie. La descente par la combe Ratin est très facile, et, bien qu’un peu plus longue, fortement recommandée pour ceux qui ont trouvé que monter au sommet était déjà assez épuisant en soit. Nous avons opté pour cette option car un orage a éclaté quand nous étions dans les dernières longueurs de la voie.
Je ne présente pas l’itinéraire longueur par longueur car la progression en corde tendue est souvent possible, et la recherche même d’itinéraire est très intéressante, et rajoute de l’intérêt à l’ascension de cette grande paroi.
Difficulté: TD+, 6a obligatoire; III; 600 mètres, retraite rapidement délicate!
Matériel: classique en terrain d’aventure; la voie est assez équipée en pitons plus ou moins bons et ce jusqu’en haut; un marteau et quelques pitons doivent pouvoir aider en cas de coup dur.
1ière ascension: A. Bertrand, R. Desmaison, Y. Pollet-Villard, septembre 1961
Autres ascensions: Desmaison aurait ouvert 6 voies sur le pic de Bure. Mais ce n’est pas le premier à grimper cette paroi : Leininger et Malipier ont ouvert en 1943 une voie un peu à droite remontant une ligne de dièdres, cotée TD… Mais aujourd’hui la Desmaison reste l’unique classique, les autres voies sont extrêmes en escalade artificielle et certaines semblent avoir disparu avec des éboulements. Les informations sont presque inexistantes. En 2021, Stefan Glowacz et Philipp Hans ont ouvert un tracé direct reprenant potentiellement des bouts d’anciennes voies. Enfin, en 2022 a été achevé l’incroyable chantier dans le pilier : Voyage au Buristan aura nécéssité 11 ans et au moins une dizaine d’ouvreurs entre le début et la fin de l’ouverture ! Un itinéraire certainement de grande classe, tout équipé (loin !), 8a max, 7b obligatoire, 600 mètres.
Un itinéraire en 3 se déroule quelques centaines de mètres à gauche du pilier. A mon avis rarement repris et dangereux.
Enfin, il existe au moins deux voies sur le coté occidental du plateau (crête des Bergers), la voie « Couzy-Puiseux » (ainsi nommée en raison du décès de Jean Couzy, proche du sommet – un très grands alpiniste, ami de René Desmaison), la Jean Marc Bois et la création d’un itinéraire équipé qui doit être désormais achevé. Une aiguillette se détache elle aussi, immanquable.
Un grand merci à Rémi S. pour ses photos!
Si vous avez des informations sur ces parois oubliées, merci de me contacter!
Accueil > Topos d’escalade > France > Devoluy > Pic de Bure – Pilier Bertrand Descmaison