
La traversée Gary Hemming suit le bord de la falaise rive droite et remonte juste après le premier des trois « caps », évident sur la photo
Les traversées sont une spécificité des falaises maritimes. On les retrouve dans bien des secteurs mythiques, comme Gogarth, Pembroke, Finale Liguire, la Piade à Toulon… Dans les Calanques, elles sont une tradition presque incontournable. Les premières se firent encordées, souvent à une altitude respectable du niveau de la mer, et en suivant des lignes de faiblesse.
La traversée Gary Hemming fut la première recensée au raz de l’eau, abandonnant ainsi corde, baudrier, dégaines… Sans engagement (mais non sans danger, attention à la mer, surtout lorsqu’elle est formée!), elle constitue une forme d’escalade plaisir alors en voie d’éclosion. Cet itinéraire fut difficile pour l’époque. Gary Hemming, le beatnik des cimes, a du s’y reprendre plusieurs fois pour en venir à bout. Mais la proximité de la mer sécurise toute chute, et peut même la rendre agréable par forte température!
Actuellement, des dizaines de traversées au raz de l’eau parcourent les Calanques. Bernard Vaucher, ou Barney, en a ouvert plus que n’importe qui et ainsi la plupart des falaises se sont vues traverser par des itinéraires plus ou moins célèbres.
La traversée ici présentée est l’une des plus logiques : elle démarre directement de la plage d’En Vau, une des plus belles de France, et s’éloigne progressivement vers le large, pour une distance respectable de 200 mètres. Les difficultés arrivent au fur et à mesure. des repos réguliers sécurisent l’ensemble, qui serait engagé sinon : pour nager 200 mètres, il faut encore un peu de jus…
Diverses variantes, plus ou moins difficiles, ont ensuite été ouvertes. La traversée, elle, continue jusqu’à l’imposant promontoire formé par le groupe de voie les « Calanques », en récupérant directement la vire 10 mètres au dessus de l’eau. Retour en grimpant, nageant… Au choix!
Gary Hemming fut un grimpeur américain, formé au Yosemite, qui vint en France, plus précisément à Grenoble, pour suivre des études de philosophie. Il y grimpera régulièrement avec l’un de ses forts compatriotes, John Harlin, que l’on retrouvera souvent à ses côtés, et qui périra malheureusement dans la face nord de l’Eiger suite à une rupture de corde, en ouvrant la célèbre voie qui portera son nom. Quand à Gary, bien des exploits sur le sol français lui seront dus : ouvertures de la directe américaine aux Drus, face sud du Fou, voie de la Grotte aux rochers du midi… Il aura également participé au sauvetage héroïque et pourtant polémique de deux allemands coincés dans les Drus qu’il connait alors bien. Avec René Desmaison et d’autres très forts grimpeurs, il ira leur porter secours, allant alors plus vite que la cordée officielle qui traîne dans la voie normale. Trois résultats : le allemands sont sauvés, Maurice Herzog, à l’égo démesuré, trouve encore le moyen de faire parler de lui en renvoyant René Desmaison de la Compagnie des Guides de Chamonix, pour régler ses comptes (il refusera également quelques années plus tard qu’on lui porte secours en montagne, sacrifiant par la même occasion le jeune Serge Gousseault – un grand homme, qui n’avait pourtant lui même pas refusé de secours lors de son ascension polémique de l’Annapurna en 1950…), et Gary Hemming récolte toute la gloire. Il est alors surnommé le Beatnik des cimes, à cause de ses cheveux longs et de son mode de vie. Son parcours, bien que prestigieux, reste assez hétéroclite. Ses ascensions, engagées, lui correspondent. Il n’a pas cherché à se faire connaitre, il a juste suivi le chemin qui lui semblait le bon, et sur ce chemin, il était effectivement excellent. L’escalade comme philosophie, et déjà en France, comme mode de vie. Il n’était en revanche que peu intégré dans la société de consommation, et n’y a pas forcément cherché sa place. Il se retrouvait davantage dans l’amour et la drogue. Gary a été retrouvé mort aux Etats Unis, l’arme à feu utilisée juste à ses côtés.
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