De part son côté sauvage et reculé, le Devenson exerce sur moi une attraction bien particulière. Le grimpeur y est ici en autonomie, et les voies ont un caractère important comparé aux autres sites des Bouches du Rhône. Pour certaines d’entre elles, un petit parfum aventure accompagne les cordées, et rendent ainsi des ascensions qui pourraient sembler modestes inoubliables.
En effet, certaines voies du Devenson ne sont pas recommandables pour tous, mais certains les aiment, et c’est tant mieux. Dans les Calanques, il y a encore de tous les styles d’escalade et ce, pour tous les grimpeurs.
Dans le cirque, l’ambiance est unique. Austère au premier abord, car ici les éléments s’affrontent sans merci depuis des siècles. On devine rapidement que cette falaise n’est que le résultat d’un éboulement encore inachevé. De même, une sensation de « bout du monde » est parfois présente, car ici, la retraite est synonyme de belle galère. Mieux vaut réussir la voie prévue! Pourtant, malgré tout, le paysage y est magnifique. Contrairement à d’autres secteurs, en plus de dominer une mer bien trop tentante (on y envoie souvent des cailloux et parfois un peu de matériel en repérage!), la végétation y est présente. Au Devenson, une harmonie sauvage règne.
Sur le topo, le chemin optique semble être une voie très abordable. Cependant, dans ces secteurs éloignés, rien n’est jamais réellement gagné d’avance. Tout d’abord, la marche d’approche est relativement longue et il est facile de se tromper de sentier et d’aboutir sur un tout autre secteur.
L’accès le plus simple se fait en rappels dans la voie voisine, le riz au lait, composée d’un rocher superbe. Trois rappels nous posent sur une large vire, qu’il faut ensuite longer vers la gauche jusqu’à une lunule large et caractéristique, située après une cheminée large. Il est également possible de partir de tout en bas sous la vire, l’escalade y est très facile dans un rocher d’apparence pourri.

Cirque du Devenson et tracé du chemin optique. En rouge l’itinéraire que nous avons suivi et en vert celui indiqué par le topo Lucchesi
La première longueur représente pour mi le passage le plus sérieux de la voie. Du relais, on traverse à gauche jusqu’à surplomber un aven, puis on remonte la cheminée le dominant. En suivant plus ou moins cette cheminée (le rocher y est mauvais, mais l’escalade facile), on arrive à une petite niche dominée par un ficellou dans une lunule. Un court surplomb (5c) mène au premier relais, sur trois vieux pitons qui ne font guère envie. Avec une très bonne gestion du tirage, celui-ci est facultatif.
Il semblerait que l’itinéraire original diffère de celui que nous avons emprunté: lorsque l’on remonte la cheminée dominant l’aven, on repère une écaille inversée immanquable à sa droite. On contourne alors le surplomb par la droite et on rejoint alors le premier relais.
La seconde longueur est magnifique: après un mouvement pas si simple juste au dessus le relais (5c, et un nouvel argument pour ne pas le faire!), un dièdre fissuré nous rassure quant à la qualité du rocher dans le secteur: l’escalade y est belle! Réfléchissez toutes fois à votre itinéraire: sur le terrain la réalité est plus compliquée. Le relais est à construire dans une niche très confortable.
Une courte traversée vers la gauche, facile, nous amène en bas d’un boyau fort joli. Le relais est à nouveau à construire.
La quatrième longueur remonte ce boyau par une escalade très ludique (4c, incotable en réalité). En revanche, en sortir l’est beaucoup moins, et je déconseille à tous les forts gabarits de tenter cette voie sous peine de boucher de manière éternelle la sortie de cette longueur. Il existe des stratégies plus ou moins efficaces pour s’en sortir… Une fois ce boyau derrière soi, une traversée ascendante à droite nous amène à un relais équipé et renforçable.
De ce point, la sortie originelle traverse à droite, avec un mouvement délicat en début de longueur (V+), puis par une escalade plus facile à un pilier puis au sommet (IV+ puis II, deux longueurs, renseignements topo Lucchesi, attention aux cotations d’époque…).
Nous sommes sortis par un dièdre magnifique juste au dessus du relais, soutenu en 5, avec un court passage de 5c. Le rocher y est bon, l’escalade agréable et les protections bonnes. Un régal!
La sortie se fait à quelques mètres des rappels empruntés lors de l’accès.

Au premier plan, les falaises de l’Eissadon, puis le cirque du Devenson, au loin la grande Candelle puis le cap Morgiou
Il s’agit donc d’une belle voie, intéressante et assez aventureuse, malgré sa taille modeste. La recherche d’itinéraire n’est pas à sous estimer (plusieurs très forts grimpeurs ont buté à cause de cela!), et le rocher est parfois mauvais. Il ne faut pas compter sur le très rare équipement en place, y compris aux relais.
Difficulté: TD, 5c max et obligatoire. Attention, il ne s’agit par du même 5c que dans les écoles d’escalade! Engagement: III
Dénivelé: 100 mètres, mais des traversées redent la voie plus longue.
1ière ascension: Joel Coquegniot et Jacques Kelle, le 11 décembre 1966. Bravo à eux, la ligne impose le respect!
Matériel: Classique terrain d’aventure, marteau et 5 pitons variés très importants.
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