La coryphène est à juste titre l’une des voies mythiques des Calanques. Elle a tout pour elle: un accès long et engagé dans des éboulis, des rappels pendulaires et typiques des Calanques, un point de non retour rencontré avant même de mettre les chaussons, des longueurs raides et non équipées au dessus de la mer, en rocher marron, une grimpe agréable et une section engagée en aragonite, ce rocher à la fois superbe et fort douteux. Un objectif de choix pour les amateurs du genre!
Son histoire a également participé à intégrer cette voie dans la légende. Ouverte par deux des meilleurs grimpeurs français de l’époque, elle a fait trembler plusieurs générations de grimpeurs. Dans son livre « Des rochers et des hommes – 120 ans d’histoire de l’escalade dans les Calanques », son auteur, Barney Vaucher a écrit concernant l’ouverture de cette voie:
« La Coryphène est un poisson des mers tropicales, que l’on trouve au large de la côte du Sénégal, où Joel a passé son enfance. Une seule voie comme la Coryphène dans la carrière d’un grimpeur est suffisante pour lui permettre d’accéder au panthéon des grimpeurs. Elle est avec le Bidule, la grande classique d’aventure la plus respectée.«
Aujourd’hui, la voie reste assez confidentielle et bien que la plupart des amateurs de voies sérieuses sur coinceurs l’aient épinglée à leurs tableaux de chasse, la Coryphène n’est que rarement évoquée. Elle est située en effet tout au bout du Devenson, et ne correspond plus aux critères modernes de l’escalade.
De plus, une voie moderne, équipée par des braconniers de l’escalade, vient la parasiter et gâche notamment l’engagement de la dernière longueur en rééquipant la variante « La Loco » (ce qui rend la Coryphène plus accessible). Loin de réaliser le massacre qu’ils s’amusent à commettre sans même prendre de recul sur l’histoire de l’escalade, ces perforateurs fous vont jusqu’à baptiser leur voir « pour la mémoire de nos enfants ». Quelle ironie! Cette voie est ainsi bien plus fréquentée et même si la ligne est superbe, on regrette que les auteurs n’aient pas eu la décence de poser leurs scellements et le sika renforçant les prises autre part que dans une voie historique, ce qui n’aurait pas été très compliqué…
Même si elle est ainsi moins engagée, elle reste superbe et suffisamment exceptionnelle pour ne pas passer à côté. Ici, on ressent l’éloignement et la première partie, en léger dévers, est majeure et totalement indépendante d’autres voies.
Après une approche assez longue à pied, le cirque du Devenson apparaît, et alors la ligne de la Coryphène devient la plus évidente. Directe, sur un pilier marqué dominé par un petit sommet, la tour Save (également appelée la tour Mage) et se prolongeant par une fine arête aérienne, elle est la plus belle du coin. La suite de l’approche se fait en rappels et descalade de l’autre côté de cette belle tour, pour aboutir à un relais chaîné. Auparavant, un grand rappel de 80 mètres depuis un pin désormais décédé et flottant quelque part au centre de la mer méditerranée nous posait, après un pendule ou jeté de corde, à la petite terrasse confortable de départ. Aujourd’hui, deux rappels de 40 mètres nous permettent de rejoindre ce point de départ.
De cette terrasse à cinq mètres de l’eau, on comprend vite que le but n’est pas trop permis, la retraire ne pouvant alors s’effectuer qu’à la nage, perspective peu motivante.
Trois longueurs en léger dévers et en bon rocher rond marron nous ramènent à cette chaîne de rappel. Ces longueurs sont très peu équipées et les rares pitons en places sont rongés par le sel. En revanche, celles-ci se protègent bien. Les cotations officielles indiquent 6a, 6a+ et 6a+. Alors que sur internet on trouve ces cotations à la hausse (trois 6b), nous proposons: 6a+, 6b et 6a+.
Une grande longueur (la quatrième) sur un éperon vaguement dessiné en 4c, et nous arrivons au pied d’une nouvelle longueur majeure: une cheminée en 5c en très bon rocher à nouveau marron, qui indique les zones déversantes dans les Calanques.
A nouveau une longueur facile, suivant de près l’échine sommitale de la tour Save, nous pose au collet entre cette tour et la fine arête menant aux crêtes du Devenson.
La septième et dernière longueur est superbe, en rocher délicat. En effet, l’aragonite est superbe à contempler mais moins à grimper. Contrairement à ce que précise le topo fédéral de 2004, la Coryphène ne démarre pas avec les scellements de « pour la mémoire… » mais part légèrement à droite (anciennement A2). Elle rattrape rapidement le fil de l’arête, pour une délicate escalade en équilibre. Les protections sont aléatoires dans la première partie, alors que les scellements voisins vous tendent les bras. Un bon test pour celui qui veut jouer… Désormais, la plupart des cordées effectuent un mélange entre les deux voies.

Maxime Luiggi dans la dernière longueur de la Coryphène, en suivant le tracé initial de droite et sans toucher aux scellements profanes
Vous l’avez compris, scellements ou pas, il s’agit d’une belle aventure, dans l’un des plus beaux coins de la région. La Coryphène est unique en son genre, peut être un peu moins belle que la voie du toit branlant à Castelvieil car moins continue et moins raide, mais plus difficile.
Difficulté: ED-, 6b, IV. 230 mètres.
1ière ascension: Claude Cassin et Joel Coquegniot, le 12 mai 1967 après repérage en « top rope » (moulinette) de la dernière longueur. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la dernière longueur équipée de « pour la mémoire… » fut ouverte en escalade propre. Il s’agirait d’une variante de sortie de la Coryphène, très exposée, ouverte par Guy Abert en solo en 1973 et baptisée « La Loco ».
Matériel: Un jeu et demi de friends jusqu’au numéro 3 minimum, nombreux hexentrics, coinceurs câblés, et matériel classique de grande voie. Pitons inutiles.
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