Les Fiz! Franchir cette formidable muraille principalement calcaire fut pour moi un rêve qui m’a habité bien avant que je devienne grimpeur. Je l’admirais à chaque randonnée familiale depuis l’aiguillette des Houches alors que j’étais le seul à les considérer comme des montagnes, car aux yeux des autres cette barre n’apportait rien au paysage offert par le massif du Mont-Blanc.
Bien des années après, je gravissais la Croix de Fer, dans le prolongement de cette falaise qui déjà me hantait. Mais bien que cela soit le même rocher, ce n’était pas les Fiz.. pareil, des années après, avec l’aiguille de Varan puis le pilier sud direct de Platé. C’est bien le prolongement de ce rocher, le même massif, mais toujours pas les Fiz. Celles-ci démarrent bien à la pointe de Sales pour s’arrêter au Dérochoir. Et Platé reste Platé.
2023, enfin, je réalise ce rêve! Nous choisissons ce jour de météo mitigée la voie du bout, l’enclume classique. Si les Fiz constituent comme déjà dit une fantastique muraille représentant pour moi l’infranchissable, ainsi excentrés nous avons malheureusement davantage l’impression de grimper un trottoir herbeux et délité. Avec des orages menaçants prévus ce jour là, son socle délicat, ses traversées que l’on n’a pas envie de refaire en sens inverse sous la pluie, son rocher très varié et variable, cela constituera une belle approche.
Les voies dans les Fiz sont finalement très variées, allant des randonnées extrêmes dans des couloirs saugrenus parfois skiés l’hiver aux voies très difficiles et interminables en bon rocher mais protégées d’un socle des plus exposés, principalement composés de marnes et ardoises.
De grands noms ont marqué l’histoire de l’escalade dans les Fiz, à commencer par Alfred Wills qui ouvrit en solo l’arête nord de la pointe de Sales, Michel Vaucher, jusqu’à Frédéric « Titi » Gentet, François Pallandre, Michel Fauquet, Gilles Bruno, Emmanuel Ratouis, Philippe Mussato et Hervé Bouvard en passant par Alfred Couttet, Lionel Terray, Gaston Rebuffat, Kerekine Gurekian et en ce qui nous concerne le célèbre Yannick Seigneur! Pas mal pour un caillou qui ne semble plus servir que de décors!!
Pour revenir à notre cairn, ouvert par ce dernier qui signa notamment la directe de l’amitié en face nord des Grandes Jorasses et le Pilier Ouest du Makalu, il ne faudra pas s’attendre à une belle escalade moderne, au contraire. On effectue ici une balade géologique entre des strates d’urgonien où l’on espère toutefois ne pas partir avec un échantillon trop volumineux. Le rocher est finalement assez bon dans l’ensemble, même si les vires restent et resteront encombrées. En revanche, nous avons été surpris de trouver un récent rééquipement ! Quelques bons goujons dans chaque indiquent clairement l’itinéraire et réduisent un peu le sérieux de la course. Il ne faudra pas non plus trop se fier aux cotations, les 4b devenus jusqu’à 5b seraient largement dans le 6 en SAE! La commercialisation de l’escalade rend désormais ces itinéraires classiques et faciles autrefois presque audacieux pour des grimpeurs modernes. Si le niveau moyen augmente de manière vertigineuse, de plus en plus rares sont les grimpeurs à l’aise dans ce type de voies!
Approche : Topo de l’Arve de Gilles Bruno. Des chalets d’Ayeres, suivre le sentier du Dérochoir jusqu’à l’aplomb d’un monolithe très caractéristique au pied de la voie que l’on repère grâce à sa rampe évidente en ascendance à gauche.
L1 : 2; Suivre derrière le monolithe une vire vers la gauche. Possibilité de passer tout droit d’en bas, 4c en solo.
L2, 3 : 3b puis 4c; On remonte la rampe sur deux longueurs jusqu’à rejoindre la voie Perillat Sanchez.
L4 : 4b;Contourner le pilier arrondi à gauche et remonter la dalle.
L5 : 3c; Traverser à gauche la large vire un peu délabrée.
L6 : 4c; Poursuivre cette vire en traversée puis remonter un court mur grimpant.
L7 : 5b; Remonter dans le dièdre de droite.
L8 : 4c; Profonde cheminée, un goujon sur le pilier à gauche semble indiquer une sortie plus directe. Relais en haut à construire très facilement, le seul non équipé.
Descente par le Derochoir que l’on rejoint en suivant la ligne de crête (très bon sentier).
1iere ascension : Michel Feuillarde, Yannick Seigneur en 1966
Difficulté : D; 5b; 200 mètres
Matériel : Quelques friends et coinceurs, sangles, matériel grande voie équipée
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